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Lemmings 1 - L'Arcadie
7.1
Lemmings 1 - L'Arcadie

Téléfilm de Michael Haneke (1979)

Un téléfilm écrit par Michael Haneke dans lequel les prémisses du Septième Continent (1989) et de 71 fragments d'une chronologie du hasard (1994) sont se font pleinement ressentir, avec le côté fragmentaire d'une part, la galerie de personnages (un film choral quoi), mais aussi à travers le discours d'autre part, néanmoins ici plus réaliste que fataliste, les différents protagonistes ne pouvant se sortir de cette situation d'après-guerre, que ce soit via l'argent ou l'érudition. De fil en aiguille, outre l'ironie, le sarcasme, derrière le titrage « l'Arcadie », cet âge d'or qui n'en est indubitablement pas un, le fameux carton qu'on peut lire en introduction, « Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées, et toute coïncidence éventuelle dans l'intrigue sont purement fortuites » ne fait qu'accentuer le ton sarcastique du réalisateur.

Au passage, il me semble important de noter que le téléfilm a été tourné à Wiener Neustadt, lieu dans lequel le réalisateur a grandi, mais aussi la ville d'Autriche la plus bombardée de la Seconde Guerre mondiale, à cause de son usine d'aviation et de la fabrication de fusées V2. À partir de là, il est évident que les nombreux renvois au suicide sont plus historiques que métaphorique, Haneke, né 1942, ayant bien connu cette période de souffrance et de culpabilité.


Ce que je trouve très fort de la part de Haneke, c'est de filmer sa génération 20 ans plus tôt, en 1959 (l'année où le réalisateur atteignit les 17 ans), mais d'avoir écrit assez bien ses dialogues pour s'adresser tout autant à la sienne, qui a donc vieilli, que la nouvelle, qui pourrait très bien entendre le même discours que celui présent dans le film de la part de ses ainés. C'est pour ça que je considère Lemminge, tout du moins sa première partie, comme étant davantage réaliste que fataliste. Haneke oblige, on ne fera pas la fête une fois le film terminé, mais le discours est assurément moins déprimant que la majorité de ses longs-métrages, certains protagonistes ont encore de l'espoir quant à l'avenir… ce qui ne sera pas forcément le cas dans la suite.

Le réalisateur tisse de nombreux liens et autres amalgames entre le père, l'ordre, l'autorité et Dieu, il y a quelque chose de toxique qui se dégage de ces quatre éléments. Le seul renvoi au titre, à « Lemmings », à cette génération qui se suicide, provient d'ailleurs de l'un des darons, incapable de communiquer avec son fils, fils responsable par ailleurs de détruire des véhicules « pour le plaisir », et qui finira par se suicider une fois démasqué. Il y a tout un pan « destruction » dans cette famille de bourgeois, entre les deux enfants qui détruisent des voitures donc, mais aussi à travers le père, qui détruit ce qui lui tombe sous la main par frustration, ou tout simplement à travers le corps des deux parents, eux aussi détruits, notamment à cause de la guerre. Preuve, encore une fois, que ce ne sera pas l'argent qui sauvera la nouvelle génération.

Tout le pan autour des relations sexuels, du puritanisme, a un peu plus mal vieilli vu que c'est autour de ce sujet que les discours ont le plus évolué depuis. 1959 oblige, la crainte, c'est d'avoir un gosse, pas de se chopper une MST bien dégueulasse, et l'une des autres craintes pour une fille en cloque, c'est de se faire renvoyer de l'école, l'avortement n'étant mentionné qu'une seule fois, brièvement.


Haneke oblige, la caméra est posée la plupart du temps, c'est l'acteur qui doit transmettre les émotions au spectateur à travers son jeu, et le spectateur qui doit faire le travail pour l'atteindre en retour, pas de plans grossiers ou ostentatoires en somme. Tout comme pour nombre de ses autres films (mis à part Funny Games et Caché pour des raisons évidentes), tout a été fait pour que la présence de la caméra ne se fasse pas ressentir, on a affaire ici à une fausse neutralité, une réalité objectifiée. Les plans durent, ce qui ne fait que rajouter du malaise aux différentes scènes présentées, enfermant le spectateur avec l'acteur.

Bref, cette première partie de Lemmings se révélant plus accessible que la plupart des autres longs-métrages du réalisateur, en plus d'être l'un de ses films les plus personnels, je pense qu'elle peut constituer une bonne porte d'entrée à son univers.

MacCAM
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