14 juillet 1789. Lorsque la caméra de Benoît Jacquot surprend Sidonie Laborde à son réveil, la lectrice de Marie-Antoinette ignore que la Cour va bientôt plonger dans le tumulte et que, dans quelques jours, sa vie sera bouleversée à jamais. "Les Adieux à la reine" a des allures de reportage à Versailles, la caméra glissant sous les ors du château, furetant dans les sous-sols, en même temps qu’elle suit Sidonie. La jeune femme affiche un dévouement sans faille à la reine, qu’alimente un mélange d’admiration, de respect et sans doute, d’amour.
Le film ne donne pas à voir davantage que ce dont Sidonie est susceptible d’être témoin, il n’en dit pas plus que ce qu’elle peut connaître des événements qui agitent Paris et la Cour, aussi, même si le spectateur peut appréhender l’intrigue au regard de ses connaissances historiques, Benoît Jacquot se borne à épouser le point de vue de son héroïne. La rumeur apprend à Sidonie que Marie-Antoinette et Gabrielle de Polignac entretiendraient une relation particulière. Un peu plus tard, elle saisira de manière indiscrète une conversation intime entre les deux femmes qui confirmera les bruits de Cour. Mais jamais Benoît Jacquot ne montre explicitement la nature exacte de cette relation. La polémique qui entoure le film – la Coordination de défense de Versailles hurle au « déni de l’Histoire » – est des plus vaines.
"Les Adieux à la reine" doit moins être considéré comme un film historique que comme une œuvre de fantasmes. Dans tous les sens du terme. Aux fantasmes charnels qui semblent agiter Sidonie, s’ajoutent la convoitise de l’aisance matérielle des privilégiés (l’horloge que garde la jeune lectrice dans sa chambre pour quelques jours en est le symbole) et la jalousie trouble qu’elle éprouve envers Gabrielle de Polignac. Certaines scènes encore pourraient relever du songe. On se demande d’ailleurs si elles n’ont pas été rêvées. D’où une impression d’étrangeté que soulignent les silhouettes fantomatiques errant dans les couloirs, comme si elles avaient quitté ce monde (c’est bien de la fin d’un monde dont il s’agit ici). De cette tempête intime, de ce flottement historique, le film extrait toute sa puissance.