Entre le possible et l'impossible, il n'y a que la volonté de l'homme

Douglas Sirk, c'est d'abord Detlef Sierk qui s'est enfui d'Allemagne en 1937 en laissant tout y compris un fils pour se réfugier aux USA et y poursuivre une carrière dans le cinéma à Hollywood. Autant dire que le sujet de la guerre et de ses drames collatéraux est quelque chose d'obsédant qui revient régulièrement dans son œuvre. Ce n'est pas un hasard qu'un de ses plus beaux films, infiniment dramatique, est "Le Temps d'aimer, le Temps de mourir" d'après le non moins magnifique roman de Erich Maria Remarque.


"Les Ailes de l'Espérance" est l'histoire (que l'on va considérer comme) vraie du colonel Dean Hess qui, par erreur ou par négligence, lâche une bombe sur une église en Allemagne pendant la deuxième guerre mondiale où sont réfugiés des orphelins et en tue une trentaine. Obsédé et horrifié par ce crime, il tente de trouver du réconfort dans la religion en devenant pasteur. Mais son référent lui reproche de trop s'appesantir sur la "faute" en négligeant l'espérance. Mortifié, il abandonne donc cette voie et s'engage dans la guerre de Corée où il s'occupe de la formation et de l'entrainement de pilotes coréens sur une base aérienne.


Les spectateurs qui ont vu "le secret magnifique", peuvent avoir l'impression de voir un remake du film tant la démarche intellectuelle du personnage principal est semblable. D'autant que l'acteur est le même, Rock Hudson.


Dans "les ailes de l'espérance", le point intéressant, que je vais un peu développer, est le suivant.
1 - Pendant sa période d'apprenti pasteur (au retour de la 2ème guerre mondiale), son obsession ne tourne qu'autour de la faute et de la culpabilité. Il n'en sort pas.
2 - Pendant son séjour en Corée, un des pilotes de son équipe commet une faute analogue à la sienne en Allemagne. S'ensuit une scène entre le colonel et son pilote, qu'il m'a fallu revoir à plusieurs reprises (grâce à la magie du DVD) pour l'ingurgiter car elle était ou révoltante, inacceptable ou dégoulinante de prêchi-prêcha. Elle tournait toujours autour de la notion de culpabilité mais cette fois en la complétant par le fait qu'il s'agissait d'une volonté de Dieu que l'homme ne peut pas ou n'est pas habilité à comprendre du style "les voies du Seigneur sont impénétrables". Une manière de justification pour pas cher, en somme.
J'ai lu, je ne sais plus trop où, que Sirk aimait beaucoup la tragédie grecque où les hommes sont complètement prédestinés et sont les jouets ou instruments des dieux qui s'affrontent du haut de l'Olympe. Dans cette optique, il ne reste plus à l'homme que de profiter des moments d'accalmie pour trouver le bonheur. Et les mélodrames de Sirk sont construits entre moments intenses de bonheur entrecoupés de moments épouvantables de malheur.
Ainsi, j'en ai déduit que Sirk ne pouvait pas en rester "à la volonté de Dieu", n'acceptait pas cette manière de justification.
3 - Et c'est alors que le Destin se met en travers de la route du colonel en lui montrant les centaines d'enfants orphelins, invisibles pour tous, crevant de faim et de misère, fouillant les poubelles de la base aérienne pour trouver de quoi bouffer. Le temps de l'action est enfin venu signant la vraie rédemption du colonel de sa faute commise en Allemagne.


Côté casting, j'ai déjà laissé entendre que le rôle du colonel Dean Hess est assuré par Rock Hudson. Son aspect monolithique, impénétrable et rigoureux est bien adapté pour croiser et s'entendre avec des asiatiques peu démonstratifs.
Son ordonnance, le sergent Herman, est joué par Dan Duryea qui a abandonné son costume de gros dur pour celui de quelqu'un de plus truculent et qui amène une touche d'humour et de tendresse dans le film.
Je m'en voudrais d'oublier deux seconds rôles importants qui amènent de la saveur au film : Philip Ahn d'origine coréenne qui joue le rôle d'un philosophe et d'un sage et l'actrice Anna Kashfi, d'origine indienne (Calcutta), qui joue le rôle de la protectrice des orphelins.


Le film baigne aussi dans une musique dont le leitmotive est le "Battle Hymn for the Republic" qui est le grand chant patriotique américain conçu pendant la guerre de sécession et qui sert régulièrement aux funérailles des grands de ce monde et accessoirement dans les westerns. Le titre original du film est de façon surprenante "Battle Hymn" ... Ceci explique cela.


"Les Ailes de l'espérance" est un très beau film, très émouvant, malheureusement un peu méconnu.
Sauf en Corée où il a connu un immense succès et où il est l'équivalent de "la vie est belle" de Franck Capra et qui ressort tous les ans sur les ondes au moment de Noel ...

JeanG55
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le 13 sept. 2021

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