Paris est magique ! Non, je ne suis pas un supporter du PSG. Plutôt du PQC, le Paris Quiddich Club. Mais bref, par la barbe de Berlin, passons à la critique.


Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises.


NB : pas de spoil visibles en dehors de ce qui est dans les bandes-annonces.


Le célèbre et terrifiant mage noir Gellert Grindelwald s'échappe de sa prison américaine et se réfugie à Paris pour fonder son mouvement de résistance à l'encontre des moldus, ces pécores sans aucun pouvoir magique.


Johnny Depp signe indubitablement son retour sur les écrans avec un personnage assez fascinant et trouble, cheveux blancs luisants et yeux vairons. Loin d'être un Voldemort bis, Grindelwald est bien plus doux, persuasif et complexe, esquissant notamment une relation avec Albus Dumbledore, incarné par un classieux et excellent Jude Law.


Une relation homosexuelle, dont l'allusion est claire, que l'on connaissait un peu dans les livres d'Harry Potter. Une relation qui lie les deux protagonistes d'un pacte de sang et qui empêche Dumbledore de combattre Grindelwald.


Ces deux personnages forment étrangement le coeur de l'intrigue tout en étant assez peu à l'écran mais il faut dire que leur puissance et leur passé commun intrigue plus encore que les nouveaux personnages de la saga. D'ailleurs Grindelwald apparait bien plus talentueux et doué à la magie qu'un Voldemort, créant des incantations et des sorts hallucinants. Son activité criminelle en revanche est plus trouble qu'il n'y parait et on peine, avant le final, à connaitre réellement ses intentions, bien que le film porte son nom. Fou comme le titre est assez mal trouvé.


Le final justement, assez dantesque il faut l'avouer et rempli de révélations troublantes, dresse un parallèle clair avec le fascisme, puisque le film se passe en 1927, en pleine ascension des totalitarismes en Europe. JK Rowling (déjà auteure de la saga Harry Potter et ici scénariste) avait déjà fait le lien entre l'histoire magique et l'histoire réelle et ici elle met encore l'accent sur cet aspect.


Il en résulte un film très sombre. Le premier épisode proposait une plongée onirique dans un monde peuplé de créatures magiques. On découvrait un nouvel univers, une nouvelle époque. Ce second opus ne cesse de créer des liens avec Harry Potter et de noircir l'intrigue. Il s'adresse au public de la première heure, aujourd'hui devenu adulte. Il est rempli d'allusions qui parleront aux fans et laisseront peut-être les autres sur le carreau. Il multiplie ainsi des références à l'histoire mais aussi des scènes assez terribles.


L'assassinat purement gratuit d'un enfant dans une chambre par les sbires de Grindelwald, la mort d'un bébé dans un naufrage.


Le tout dans une ambiance sombre, presque glauque, notamment à Paris (cocorico) où une majorité de l'intrigue se passe.


On y découvre par exemple un cirque de monstres semi-humains et animaux où se produisent les créatures réduites en esclavage sous les regards d'un public louche et interlope. La scène finale met à l'honneur le Père Lachaise, plongé dans une brume glauque et n'est pas s'en rappeler Harry Potter et l'Ordre du Phénix.


Le film multiplie comme je l'ai dit les liens avec le reste de la saga. Que ce soit en remontrant le Ministère de la Magie britannique, Poudlard, Dumbledore.


Et même un caméro furtif - un peu poussif - de McGonagall.


Il s'attarde sur la relation entre Norbert Dragonneau - timide, toujours touchant et juste - et Leta Lestrange, son ancienne copine et camarade au passé trouble.


Elle a tué son demi-frère, en échangeant celui-ci avec un autre bébé, dans un bâteau en perdition. Le petit meurt noyé - j'ai cru que c'était le Titanic, on était pas loin d'une allusion ridicule.


On découvre sa vie par des flash back, notamment à Poudlard qui donnent l'occasion de revoir du Quidditch et des cours de magie. Ca fait fan service mais ça passe. Son prénom est lui-même synomyme de mort, c'est dire si elle était prédestinée aux larmes. Ce personnage, troublant, aussi monstrueux que touchant, bénéficie d'un joli traitement qui implique néammoins de se plonger dans des sous-intrigues familiales complexes, qui perdront le jeune spectacteur et le moldu novice, non-initié à l'univers. Les Lestranges sont en effet une famille importante dans Harry Potter - Bellatrix et ses frères, la famille Black qui lui est associée, entre autres.


Ce film, comme souvent les seconds volets de saga (Les Derniers Jedis par exemple), est davantage un film à personnages qu'un film d'actions, essayant de nouvelles choses et insistant sur les ruptures. Il prend le temps d'approfondir les liens entre protagonistes, volontiers verbeux d'ailleurs. On retrouve avec plaisir Queenie et Tina, même si cette dernière est finalement assez secondaire. Queenie, en revanche, bénéficie d'un traitement assez intriguant qui annonce un drame pour le troisième volet. Jacob semble ne pas savoir où il est et continue de faire rire le spectateur par son décalage avec l'univers. Il apporte une touche d'humour bienvenue qui parsème ça et là un film sombre, avec Quennie qui propose de l'innocence et des bons sentiments presques naïfs. De nouveaux personnages se greffent à l'intrigue, outre Grindelwald et Dumbledore, notamment Croyance, qui par un tour de passe passe a survécu au premier épisode, étonnement, et qui est l'objet de toutes les convoitises, arme que compte utiliser Grindelwald pour vaincre Dumbledore.


Et pour cause il s'agit en réalité de son frère caché, le fameux bébé échangé par Leta Lestrange. Vous suivez ? Ca tombe un peu comme un cheveu sur la soupe mais cela promet une dramaturgie puissante à l'avenir, Dumbledore étant confronté déjà à la mort de sa petite soeur. Ce sera sûrement le moteur de son combat futur contre Grindelwald.


Son amie Nagini, le futur serpent de Voldemort, femme maudite condamnée un jour à se transformer pour jamais en boa géant - annonce par la suite un destin funeste.


D'autres personnages font des apparitions pour appater le spectateur.


Notamment la présence de Nicolas Flamel et sa fameuse pierre philosophale, d'un effet un peu grossier et laid, le caméo de McGonagall également.


D'autres encore bénéficient d'un traitement inégal, comme le frère de Norbert, dont on ne comprend pas vraiment la relation. Enfin, il n'y a pas à proprement parler de sorciers français et c'est bien dommage, tout au plus des figurants, à part l'étrange Yusuf Kama, d'origine sénégalaise, dont l'histoire est encore assez compliquée et plutôt mal amenée. Je n'ai pas saisi tout les enjeux de cette sous-intrigue.


Là encore il s'agit d'un demi-frère de Leta, qui elle aussi a des origines françaises.


Il en résulte un film d'une énorme densité. L'émotion et les interactions entre personnages priment.


Le final fixe le destin de la plupart, obligeant à choisir une faction pour survivre dans un monde plus menaçant. Le discours de Grindelwald, qui voit en vision les affres de la Seconde Guerre Mondiale tanks et bombes atomiques, dans un réalisme cru et adulte, parait convaincant, montrant un sorcier terrifiant et manipulateur et d'un calme glaçant, fait des émules auprès du public sorcier qui le rallie. Il parvient à s'échapper des griffes des Aurors en utilisant un sortilège - très abusé - en forme de Dragon et se retrouve avec ses partisans dans son château de Nuremgard, en Autriche, tiens tiens ça me fait penser à un certain Adolf - où il cajole Croyance qui l'a rejoint et lui offre même un phénix qu'il crée à partir d'un bébé corbeau - problablement s'agit-il de Fumseck, le futur phénix de Dumbledore, puisque le phénix est l'emblème de cette grande famille de sorcier.


La densité de l'ensemble rend l'intrigue floue et parfois brouillonne. Cela se fait de plus au détriment de l'atmosphère et de l'ambiance. Les créatures fantastiques sont encore présentes, avec quelques scènes,


notamment une chez Dragonneau à Londres assez jouissive et magique,


mais ces monstres sont assez secondaires, venant simplement relancer l'intrigue de temps à autre. Le Paris de la folle Epoque fait un peu vide, cliché et carton pâte. Quelques moments aussi de french-bashing, mais sur ce point les British sont incorrigibles, je leur pardonne.


La dernière phrase du final "I Hate Paris" de Grindelwald résume assez bien la pensée du perfide Albion.


On découvre certes des lieux sorciers intéressants mais au final on en apprend assez peu sur le monde sorcier français.


Si ce n'est sur son ministère de la Magie, à l'ambiance Jules Guimard et Grand Palais.


On a également du mal à comprendre comment la frontière s'opère entre monde des sorciers et monde réel. Les sorts et la magie apparaissent à certains moments abusés, trop puissants.


La réalisation par moment jure par son académisme ou son flou et à d'autres détonne, ce qui rend le tout inégal. Plus encore, elle brouille parfois les pistes du scénario, ce qui n'aide pas vu la complexité de ce dernier.


Ce film est noir et obscur. Comme un Obscurus. Il ne s'adresse pas à un jeune public mais à des moldus initiés à l'art complexe de l'histoire de la magie. Film à personnages, porté par un casting excellent, grande force de cette saga, film à rebondissements - avec un nombre de révélations et de liens avec le reste de l'univers, devenu d'ailleurs The Wizarding World, il ne s'attarde que peu sur l'action - quelques scènes tout de même, l'évasion du début, le final, entre autres. Le défaut du scénario réside dans la volonté de réunir tous les personnages pour un grand final, ce qui a pour effet de créer des attentes inutiles et des caméos et allusions parfois trop appuyés. Cela fonctionnerait très bien dans un roman où on a le temps. Le récit de Rowling est plus romanesque que filmique, foisonnant et donc trop énorme pour un seul film. La musique, point fort du premier volet, et l'ambiance sont moins présentes dans ce film de transition qui ouvre une infinité de portes que j'ai hâte de voir se refermer. Je ne doute pas un instant du talent de Rowling pour le faire.


On attend surtout le dénouement de la folle histoire entre Johnny et Jude, entre Gellert et Albus, véritable coeur de l'intrigue, n'en déplaise à Norbert Dragonneau.


Méfait accompli.

Tom_Ab
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le 14 nov. 2018

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Tom_Ab

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