Prisonnier des Autres

♫ Musique ♫

1945, sur l’île de Jersey au large de la Normandie, dans un vieux manoir victorien vit Grace, jeune femme croyante et mère de deux jeunes enfants, Anne et Nicholas. Le père de ces derniers est parti à la guerre mais n’est jamais revenu. Ces enfants atteints d’un mal étrange ne peuvent pas être exposés à la lumière du jour. Reclus du monde, dans l’obscurité de la maison aux rideaux tirés, Grace passe ses journées à éduquer ses enfants, notamment aux principes religieux. Suite à la disparition des domestiques et alors qu’un épais brouillard s’installe sur le domaine, trois personnes en quête de travail se présentent à Grace et vont être engagées afin de pouvoir remplacer le personnel parti. Mais dans cette sombre brume pèse une menace sur la famille : les Autres. Grace se lance alors à la poursuite de la vérité sur ces intrus : des personnes de chair et d’os ou autre chose de plus terrifiant ? A moins, que ce ne soit les Autres qui ne les trouvent en premiers ?

Alejandro Amenábar, déjà connu et reconnu par Tesis (1996) et Abre los Ojos (1998), qui connaitra un remake en 2001 produit par Tom Cruise : Vanulla Sky. Il assure sa réputation de jeune réalisateur espagnol prometteur, excellent en film fantastique d’horreur : un genre couplé à ses thèmes de prédilection, en l’occurrence la psychanalyse humaine. Eludant ainsi par le biais de la SF, du film d’horreur ou encore du thriller d’époque cette quête de démystification du genre humain et de son comportement, Amenábar ne renonce pas avec ces principes avec sa dernière réalisation, comme en atteste la tension omniprésente habillant les images de son film, tour à tour huis clos et drame horrifique.

Manoir qui devient un véritable dédale où nous suivront à travers ses sombres pièces Grace, interprétée par Nicole Kidman, révélé depuis Eyes Wide Shut de Stanley Kunrick(1999). C’est dans les Autre où plus touchante que jamais tout en demeurant terrifiante, elle joue avec justesse le rôle d’une mère dépassée par les évènements et par elle-même dans ce huis-clos cauchemardesque.

Cette ambiance mortifère est plus réelle que jamais avec l’architecture de la façade sublime et les décors intérieurs d’époque que nous parcourons avec souvent une simple lampe à huile. Cette utilisation du style du XXème siècle nous procure toujours, et sans explication logique, cette sensation gênante et effrayante ; d’où l’utilisation, parfois abusive, de cette époque, ou du moins de ces bâtiments d’époques, dans les films d’horreurs. Avec l’utilisation de cette "maison hantée" rendue sinistre par l’absence de lumière logique vis-à-vis de la situation, Alejandro Amenábar respecte avec perfection les codes des films d'horreurs plus classiques, sans pour autant tomber dans la facilité : rejetant ainsi l'utilisation du gore qui peut rapidement tourner dans le ridicule.

A la place de l’horreur gore, il préférera un cinéma d’épouvante en combinant avec délice une véritable atmosphère pesante et des jumps scare efficaces qui nous font sauter sur notre siège. Préférant des trucages simples et légers et l’utilisation du hors champs, Amenábar nous fait frissonner avec la pire arme qu’il puisse utiliser : notre propre imagination.

Cette atmosphère pesante et angoissante est accompagnée d’une musique contradictoire réussissant à nous faire ressentir l’angoisse la plus profonde mais aussi la mélancolie la plus claire. Douce mélodie enivrante et fascinante qui nous plonge au cœur d’une sombre histoire, qui n’est peut être pas celle qu’on nous laisse apercevoir…