Alors que "Spirou et Fantasio" a récemment débarqué sur nos écrans, il est parfois bon de se demander pourquoi un mec comme Spielberg arrive mieux à adapter notre patrimoine de bulles Franco-Belges au cinéma que nos tâcherons de réals français. La réponse : Tout en prenant des libertés dans l'adaptation, il reste attaché à l'esprit d'origine de l’œuvre, et ne se contente pas seulement de caser des "comiques" sur le déclin au casting.
Et qui de mieux que Steven, frustré par l'échec cuisant de son dernier Indy, pour porter à l'écran les aventures du fameux reporter, qui aurait, paraît-il inspiré en partie les expéditions de notre archéologue au lasso?
Visuellement, le film est bluffant. La motion-capture est impressionnante et l'incrustation des acteurs dans les décors numériques est parfaitement maîtrisée. Le rendu visuel des personnages conserve un côté "cartoonesque" bienvenu pour donner vie aux personnages d'Hergé.
Le casting est bon, réellement impliqué dans ce drôle de projet (sachant que seul Andy Serkis, ici le capitaine Haddock, était déjà habitué à cet exercice).
Niveau scénar, on peut saluer l'habile fusion entre l'arc "Le Secret de la Licorne/Le trésor de Rackham le Rouge" et "Le crabe aux pinces d'or", qui nous offre d'assister à la rencontre entre Tintin et Haddock sur fond de chasse aux indices pour retrouver un bateau mythique.
On pourrait toutefois reprocher à l'intrigue de se résoudre de manière un peu poussive et brouillonne...
Les références, parfois assez méta, à l'univers des bandes dessinées sont plaisantes et peu envahissantes (on pense à Tintin qui se fait croquer par un artiste de rue au début du film, ou au personnage de la Castafiore qui s'intègre bien à l'intrigue).
Mais ce qui rend le film à la fois véritablement passionnant et parfois un peu lourd, c'est l'action débridée mise en scène par un Spielberg retombé en enfance, aussi inspiré que foufou, pas toujours dans le bon sens.
Car la frustration d'avoir raté « Indiana Jones 4 » semble encore hanter le bonhomme, à tel point que son « Tintin », tout en respectant l'esprit de la BD, emprunte plus à l'imaginaire du Dr. Jones ou des jeux-vidéos « Uncharted » lorsqu'il s'agit d'en mettre plein les yeux.
Spielberg profite des possibilités offertes par le passage à l'animation pour nous gratifier de plans-séquences complètement dingues, parfois réellement jouissifs. L'apothéose de ce délire se traduit dans une scène de course-poursuite effrénée dans la ville (fictive) de Bagghar. Tout y passe : voitures, tyroliennes, sauts improbables, lance-roquette...
Le problème, c'est que Steven, tel un enfant lâché dans un magasin de bonbons, est insatiable. La recherche inlassable du sensationnel banalise ces prouesses techniques, et le spectateur s'attend à un nouveau rebond à chaque scène, au détriment de l'intrigue et du développement des personnages.
Le combat de grues final, entreprise de destruction massive du décor, est un peu too-much, comme si « Transformers » s'était invité dans l'univers du reporter à houppette.
Mais le bonhomme n'oublie pas de livrer quelques scènes d'anthologie, comme ces allers retours entre un capitaine Haddock en plein crise de delirium et ses visions du combat opposant son ancêtre au redoutable capitaine Rackham. La mise en scène est parfaitement maîtrisée, épique, et prend réellement le spectateur aux tripes.
En bref, ce premier « Tintin live » (Peter Jackson est sensé prendre la relève pour l'épisode suivant centré sur le diptyque « Les 7 boules de cristal/Le Temple du Soleil ») est un excellent divertissement, intelligemment construit et brillamment réalisé, même si l'excès de testostérone a tendance à lasser.