The Banshees of Inisherin est une fable sombre où la fin d’une amitié devient une métaphore des fractures intérieures et collectives.
Sur une île irlandaise balayée par le vent, isolée comme une conscience en exil, Martin McDonagh orchestre une tragédie silencieuse : Colm, musicien hanté par la finitude, choisit de rompre brutalement avec Padraic, ami candide dont la bonté devient insupportable. À partir de ce refus, presque absurde, s’enclenche une spirale de mutilation et de vengeance où l’acte supplante la parole et où la quête de sens vire à l’autodestruction.
Chaque élément du film est chargé de symboles : l’âne Jenny comme objet transitionnel et dernier refuge d’une humanité fragile ; la guerre civile en arrière-plan, miroir des divisions intimes ; les doigts coupés, sacrifice dérisoire d’un homme qui croit se libérer mais se condamne ; Siobhán, enfin, figure d’émancipation lucide qui s’échappe là où les hommes s’enferment.
McDonagh interroge subtilement la responsabilité : Colm revendique sa liberté face à l’Autre, mais au prix d’une culpabilité muette ; Padraic s’accroche à une loyauté qui le dévore ; l’île entière observe en silence, rappelant que l’inaction collective est parfois complice des tragédies.
Que reste-t-il de l’humain quand la parole échoue et que seule la violence relie les êtres ?