Micks & Chicks


Réécriture politiquement correcte d'un comic éponyme, The Kitchen (allusion au quartier new yorkais de Hell's kitchen et au lieu de séjour terrestre du sexe faible) n'adhère pas rigoureusement aux codes du film noir, même si son déroulement obéit à une formule éprouvée. Il narre l'initiation et l'ascension dans le milieu criminel, d'un trio d'épouses des membres incarcérés d'un gang irlandais à la fin des années 70. Les rangs du gang sont considérablement étoffés dans la version cinéma, qui les dote également d'une "marraine" peau de vache qui dirige tout en coulisses.


Les trois femmes du comic ressemblent aux Drôles de dames et ne se distinguent physiquement que par leur couleur de cheveux. Le film développe leurs caractères distinctifs : les deux soeurs deviennent les épouses du gang irlandais : une afro-américaine dure à cuire qui en veut, et une mère de famille en surpoids. La troisième roue du carrosse, celle qui prend goût à la violence en entamant une romance avec un homme de main sanguinaire, devient une femme battue qui exerce une vengeance létale sur les hommes. Elle prend une importance considérable alors qu'elle reste périphérique dans le comic. Son personnage est bien plus intéressant, même s'il complète le tableau politiquement correct d'une manière trop évidente.


Dans le comic, les deux soeurs, en tant que filles du boss décédé, reprennent spontanément son activité usurière en l'absence de leurs maris incarcérés. Mais dans le film, comme simples épouses au foyer, elles s'opposent immédiatement au reste du gang (inexistant dans la bédé) qui refuse de se laisser piquer le boulot par des femmes. D'ailleurs, leurs activités se réduisent d'abord dans le film au racket, leurs conjoints s'étant fait arrêter par la police lorsqu'ils essayaient de réunir le capital nécessaire pour se lancer dans l'activité de prêt.


C'est le premier point sur lequel le film crée une image angélique : elles pratiquent du bon racket, contrairement aux hommes qui faisaient mal le boulot!
La relation avec la mafia italienne prend également un tour élégant et bienveillant (!) dans le film, alors qu'elle est plus réaliste et tortueuse dans le comic.


L'évolution de la rivalité entre les deux soeurs se retrouve transposée dans le film entre l'afro et la matrone, ce qui présente l'originalité de sortir du schéma du drame familial shakespearien, typique des histoires de mafieux depuis le Parrain. Néanmoins, la polarisation finale des personnages entre la génie du mal et la bonne mère militant au côté des vertueux ouvriers (pardonnée par son père, auquel elle a redonné de l'honnête travail) est caricaturale. Le personnage victime de son hybris n'est plus le même que dans le comic. Le fatum habituel de ce genre de récit, l'enchaînement inéluctable des événements à partir du crime initial, est transformé dans le film en une manipulation machiavélique de longue haleine et peu réaliste.


Il en résulte une oeuvre hybride, drôle et dramatique, distrayante mais pas complètement convaincante.
(N.B. personne ne fume, mais ça picole, et la B.O. comprend quelques excellents morceaux de funk)

ChatonMarmot
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le 31 août 2019

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ChatonMarmot

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