"Au Mans, on avait pas le père fouettard, mais on avait les soeurs papin" avais-je dit un jour pour faire de l'humour noir. Pendant longtemps j'en avais entendu parler et j'avais vu un documentaire là dessus en 2001 qui m'avait fasciné par ce meurtre horrible qui était arrivé à trois pas d'un lieu familial.

Plus jeune, en me baladant dans une rue du Mans avec mon cousin, celui-ci m'a désigné la maison du 7 rue Bruyère et dit "tu sais pas, mais c'est dans cette maison qu'à eu lieu le meurtre commis par les soeurs Papin." J'étais étonné, cette maison se trouvait littéralement à 500 mètres de chez ma grand mère et j'étais passé des centaines de fois devant pour me rendre dans le centre ville. Derrière un grillage de fer forgé on pouvait voir une jolie bâtisse avec une vigne vierge qui envahissait la maison. Durant des années j'ai un peu fantasmé cette baraque, la richesses des gens qui y avaient vécus, leur standing parmi la ville du Mans et que les domestiques avaient fini par tuer.

Et puis, à la mort de ma grand mère, j'y suis repassé. J'ai voulu expliquer l'horrible affaire à ma copine, et en checkant wikipédia je me suis aperçu que le meurtre avait lieu au 6 rue Bruyère. Juste en face. Une maison qui payait vraiment pas de mine de l'extérieur et dans laquelle les gosses qui y vivaient avaient collés des autocollants de Noël sur la fenêtre du premier étage.

Paye ta déception.

Tout ça pour dire que ça faisait des années que je voulais voir les Blessures Assassines, ce film sur les deux tueuses du Mans dont l'histoire me fascinait. Il y a dix ans mon ex avait le DVD chez elle, je me suis dit "faudrait qu'on regarde ce film un de ces jours" et on a rompu avant que la soirée cinéma n'ai eu lieu. Depuis je me disais qu'il fallait que je mette la main dessus, d'une façon ou d'une autre, mais ça passais toujours en bas de la pile de choses à faire.

Et puis, hier, j'ai ENFIN vu ce film....

... et c'était NUL !!

Une austérité peu inspirée

Bon, déjà le film et moi on partait fâchés puisqu'il prend le parti du film naturaliste et brut façon Eric Rohmer : l'oeuvre est totalement dénuée de musique et entièrement tourné autour des dialogues entre les personnages. Si c'est quelque chose que je n'aime pas trop, c'est pas fondamentalement mauvais, et l'idée de coller au réel est louable, notamment le fait que ça soit réellement tourné au Mans et qu'on puisse reconnaitre certaines rues du vieux Mans notamment la place de la Cathédrale. C'est très gentil pour moi, mais je doute que des non-manceaux y soient sensibles... (et quitte à pinailler... dans ce film la maison du drame n'est ni au 7, ni au 6 mais au 23 rue Bruyère. N'importe quoi.)

Cet aspect naturaliste rend le film assez austère et du coup, on se concentre surtout sur le jeux assez bon des deux actrices principales, Sylvie Testud et Julie-Marie Parmentier. Quoique concernant Sylvie Testud, ça reste à nuancer (elle offre des scènes de surjeux un peu nulle, comme le moment où elle s'agite dans son lit qui fait ULTRA FAUX, mais je mise sur une mauvaise direction d'acteur ou un montage pas inspiré.) A noter que Testud aura le César du meilleur espoir féminin pour ça, ce qui me laisse un peu dubitatif.

Leur jeu compense le fait que ce sont les actrices françaises les plus éloignées physiquement des soeurs Papin.Suffit de comparer la jaquette du film avec la photo qui l'a inspiré : les deux mancelles étaient des femmes fortes au visage très bourru, a la mâchoire carrée et a la carrure assez imposante, et elles sont jouées par Parmentier et Testud qui sont toutes fines, toutes frêles et assez jolies. J'ai une idée de pourquoi elles ont été choisies mais j'en parle à la toute fin.

Le reste du casting joue pas ouf, avec ce côté très "phrasé" des productions françaises où les gens tiennent des phrases bien trop longues pour que ça semble réel. Le pire étant Isabelle Renauld dans le rôle de la mère des deux soeurs, qui non seulement joue pas super bien mais a visiblement le même age que Sylvie Testud (vérification faite : elle a 5 ans de plus.) Pour un film qui vise le réalisme, c'est vraiment . Y a aussi François Levantal qui joue le rôle de l'amant de la mère Papin, un personnage qui n'existe pas vraiment et n'aura aucune importance sur le drame final mais possède un bien trop tôt de présence à l'écran.

Les moments les moins intéressant de l'affaire

Le film passe beaucoup de temps sur l'environnement famillial des soeurs Papin et pas tellement sur le rapport très bizarre qu'elles avaient avec Mme Lancelin et sa fille, leur futures victimes. On voit juste que Mme Lancelin est froide, hautaine et qu'elle se moque de ses bonnes en cachette. Pourtant, le rapport trouble entre les maitres et les serviteurs reste encore un mystère (Mme Lancelin payant très bien Lea et Christine Papin, s'étant montré parfois comme leur bienfaitrice et parfois comme quelqu'un de froid.) Pire, une anecdote réelle dans laquelle les soeurs Papin tentent de dénoncer leur maitresse à la mairie, se transforme en une anecdote où elles dénoncent leur mère à la mairie.

A plusieurs moments, Christine Papin parle de "mariniers" et du fait qu'elle et Léa pourraient y vivre. Là, je pense qu'aucun spectateur ne peut capter, même sarthois puisqu'elle mentionne Marigné-Laillé, une commune de 1600 habitant la Sarthe où Christine Papin est née et aurait vécu sa petite enfance (et dans laquelle j'ai de la famille... me regardez pas comme ça, c'est juste une coïcidence de plus ... enfin, j'espère.) Mais le film ne mentionne jamais le nom de cette commune lors de l'enfance de Christine, ce qui fait que 99% des spectateurs seront larguées par cette référence. (Et après, ça va critiquer les films Marvel.)

En vrai, je suis vraiment circonspect sur le scénario. Pour un meurtre qui aura inspiré de nombreux films et pièces de théâtre, je ne comprends pas le parti-pris de tourner le film sur les moments les moins intéressants, une grande partie des scènes étant parfaitement anecdotiques, notamment tout ce début sur la troisième soeur ainée dont on ne reparlera plus passé la première demi-heure. Il faut attendre la moité du film avant qu'elles ne bossent pour les Lancelin et le film se termine après trois scènes en prison, totalement fictives, les deux soeurs ayant été emprisonnées dans des prisons différentes.

Quant au procès, ce moment dingue où les intellectuels se sont emparés de l'affaire, où elles ont été traités en monstre par une partie de l'opinion et une autre en héroïne malgré elles... bah, il n'existe pas, le film se finissant avant. Putain, la déception.

Le film est monté avec le cul. Je ne déconne pas, il y au début du film une scène de quelques secondes qui montre des bonnes soeurs en train de faire un truc et avant même que j'ai eu le temps de comprendre ce qu'il se passait, le film passe en un fondu vers un couché de soleil.

Mis à part cette faute de gout, le film est monté sans rythme et sans passion, façon téléfilm historique, avec des fondus au noir pour signifier une ellipse de temps. (La fainéantise la plus totale.) Et dire que Jean Pierre Denis a reçu un prix de réalisation pour ce film.

Toi aussi, paluche-toi sur les soeurs Papins

A ce jour, on n'explique toujours pas pourquoi les deux soeurs se sont attaquées à leurs maitresses, les assassinant après les avoir torturées. La thèse du film, c'est que Christine a fondu une durite et que sa Lea a massacré les corps après coup, histoire qu'elle ne soit pas la seule à partir en prison... ce qui est totalement en contradiction avec le rapport d'autopsie, mais certes... pourquoi pas. La scène de meurtre est filmée avec ce qu'il faut de gore pour que ça ne soit ni malaisant à voir, ni planqué sous le tapis.

Là où ça devient plus contestable, c'est que la raison de ce massacre serait que les soeurs Papins avaient des rapports lesbiens, incestueux et pédophiles (Léa étant mineure à l'époque) et que Christine a pensé être surprise. Alors, ça reste une thèse assez foireuse qui n'a jamais été attesté par aucun témoin mais le film prend le truc de plein pied, en nous montrant leurs ébats.... au moins trois fois et avec moult détails. Avec une caméra qui prend bien le temps de nous montrer les deux soeurs en train de se faire des bisous, de se caresser l'entrejambe ou les seins. (Deux films que je vois avec Sandrine Testud, deux films où je la vois à poil.)

Niveau fétichisme de l'inceste, ça se place à "même les hentaï sont moins malsain." Et ça explique pourquoi Testud et Parmentier ont été castées : elles sont ultra-mignonnes. Et j'ai vraiment eu du mal à ne pas entendre Jean Pierre Denis en train de me chuchoter à travers la pellicule. "Elles sont bonnes les deux soeurs lesbiennes, hein ?"

Et ça, ça me gonfle. J'ai l'impression que le film m'a pris par la main et m'a obligé a rentrer dans son délire voyeuriste . Ma compagne m'a dit "Ça m'a rappelé ce que dénonce Immortality" et quand on sait de quoi parle ce jeu vidéo, c'est vraiment pas bon signe.

Et le pire, c'est que ce film a gagné un prix au Festival international du film d'amour de Mons, ce qui me rend pantois.

En bref, si vous cherchez a vous renseigner sur le fait divers, je vous conseille le documentaire En quête des sœurs Papin, de Claude Ventura et d'éviter ce film.

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le 23 mars 2024

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