Ça peut sembler absurde mais les différentes saisons d' Aggretsuko m'ont surtout rappelé qu'il y avait déjà un film sur l'enfer de la société du travail au japon, et qu'il était français. J'avais vu Stupeur et Tremblements au cinéma à sa sortie et c'est de ce film que me vient mon aversion pour les pro-VF : je me souviens des critiques sur internet descendant le film en flèche parce que ... les dialogues entre Sylvie Testud et les japonais étaient sous-titrés et non doublés. Alors que c'est tout l'intérêt du film ! (Sylvie Testud aura d'ailleurs passé trois mois à apprendre ses répliques en japonais, ce qui est assez impressionnant vu qu'elle s'exprime comme quelqu'un qui aurait fait un ou deux ans de japonais à la fac.)


Bref, je gardais un bon souvenir de ce film, et à le revoir, oui, ça reste globalement un film de bonne facture : En plus d'avoir réussi à intégrer le japonais, Testud a cette tête parfaite de petite gaijin un peu baboss qui va se faire dévorer tout crue par la société japonaise. Elle rêve d'un monde qui n'est pas fait pour elle et on le comprend immédiatement. Et c'est tant mieux d'avoir cherché à s'éloigner d'une actrice qui ressemblerait physiquement à Amélie Nothomb. En face, le casting est impeccable : Kaori Tsuji (connue uniquement pour avoir été mannequin à Paris) est cette nana froide et arrogante qui tombe petit à petit dans la condescendance. Le reste du casting est parfait dans leurs rôles, entre le petit chef colérique, le supérieur hiérarchique qui abuse de son pouvoir, le PDG sans doute très gentil mais qui est dans sa tour d'ivoire, etc...


Et ça retranscrit assez bien la violence des rapports sociaux japonais où le culte de la hierarchie et de l'obéissance sont tels que les initiatives personnelles sont perçues comme du sabotage. On a droit aussi au choc culturel que se prend le personnage où personne ne lui explique rien et ses bonnes intentions sont prises pour de l'incompétence voire de l'arrogance. Sans parler des problèmes de dyscalculie qui sont pris pour du retard mental dans un pays qui a une vénération pour les mathématiques et où il est pas pensable de sortir du lycée si t'est pas un as du calcul mental (là encore, je me rappelle de la vénération pour le boulier dans Aggretsuko.)


Surtout qu'il faut se souvenir que le japon du début des années 90 était largement moins ouvert à l'idée d'embaucher des occidentaux (on voit d'ailleurs que la transition est une des questions qui travaille les dirigeants) et les gaijins qui souhaitaient vivre au japon étaient beaucoup moins nombreux (quelques trucs arrivant dans les 90's vont changer la donne.) Oui, la situation à sûrement beaucoup changé en trente ans, du moins, c'est ce qu'on l'air de dire les quelques français partis travaillés là bas depuis.


Alors, oui, c'est complètement exagéré : c'est du Amélie Nothomb, la papesse de l'auto-fiction. C'est totalement son genre de s'appuyer sur une expérience réelle pour la faire dévier sur un truc à la limite du grotesque (en l'occurrence finir par mettre le personnage d'Amelie de corvée de chiotte... en vrai, ils auraient juste fini par lui demander de ne rien leur demander.) C'est d'ailleurs une des faiblesses du film : comme ils ne pouvaient pas faire l'impasse sur le phrasé de Nothomb et son gout pour les métaphores, beaucoup de passages sont en voix-off, ce qui est un peu la solution "par défaut" quand tu peux pas adapter un truc.

Parce qu'il faut le dire, la réalisation d'Alain Corneau est pas ouf. On est pas loin de la réalisation plan/plan qui fait très téléfilm. On sent qu'on est début 2000, qu'on était dans les débuts de l'imagerie numérique, et ça rend le tout assez terne et plutôt plat. Les rares idées pour sortir l'action d'une comédie intégralement tournée dans un bureau, en rajoutant de la métaphore (Amélie qui s'imagine les coiffures de sa supérieure ou tentant de la tuer) rendent le résultat encore plus piteux, notamment les scènes de vol au dessus de la ville qui font penser à une pub Vittel. Mais le pire, reste quand même cette scène de pétage de plomb en pleine nuit dans les bureaux où elle se fout à poil et fait des roulades sur les bureaux et qui me font dire "ptain, mais vous pouvez pas être un film français sans foutre au moins une fois votre actrice à poil c'est ça ?"

Pareil : pourquoi avoir voulu faire toute la B.O. au clavecin ? Ça ne rend rien en particulier et le choix est assez incompréhensible à mes yeux.

Honnêtement, ça se regarde encore, surtout pour le côté de la violence hiérarchique, mais si vous souhaitez bosser au japon, je vous conseille de prendre des distances sur ce qui est raconté : c'est exagéré et ça a sûrement pas mal changé en trente ans.

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le 26 sept. 2023

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