Il est aujourd'hui très difficile de distinguer ce qui constitue une oeuvre cinématographique culte et une qui ne l'est pas. Si on s'accorde à dire que le terme "culte" est galvaudé, c'est surtout parce que l'empressement du public et de la critique à se dénicher à tout prix la perle rare participe à brouiller les repères. Combien de bijoux en toc annoncés, vus puis refourgués ? Si la réhabilitation de la moindre bafouille est le sport actuel le plus pratiqué, celui de déterminer quel film s'embellit au contact du temps et fédère toujours plus d'aficionados s'avère plus délicat. Au milieu du blabla cinéphile et de la caisse enregistreuse Hollywoodienne boussole du bon goût se détache un long métrage animé qui ne cesse de prendre du galon : Les Cinq Légendes.


Dreamworks versus Pixar


Il y a fort à parier que beaucoup serons passés à côté de la toute puissance de Dreamworks entre la fin des années 2000 et le début des années 2010. C'est à ce moment que le département de Jeffrey Katzenberg a peut être donné sa plus belle correction à son concurrent direct, le géant Pixar. Draguant habilement l'enfant spectateur et ses adultes de parents, la firme au pêcheur à la ligne ouvre les hostilités avec Monstres contre Aliens, Dragons et Megamind antithèse rigolote des Indestructibles de Brad Bird. Derrière les grandes franchises destinées à remplir les poches des actionnaires (Shrek et Kung fu panda) le coup de semonce que sera Les Cinq Légendes se fait plus discret au contraire de l'onde de choc qui ne cessera de grandir d'année en année. Éternel Poulidor de l'animation, Dreamworks pastiche intelligemment les oeuvres de son concurrent et se donne même les moyens de lui balancer une chiquenaude derrière l'oreille avec de toutes nouvelles créations virevoltantes.


La touche de l'auteur


Ceux qui auront fait le lien entre les deux longs-métrages de Peter Ramsey pourront à loisir comparer les structures quasi identiques de Spider man New Generation avec ce premier essai. Jack Frost et Miles Moralès partagent le goût du spectaculaire grâce à leurs habilités respectives, puisent (ou sont à la recherche de) leurs forces au coeur de la cellule familiale et sont épaulés par des homologues au destin semblable. Si l'on y ajoute le principe de dimensions et de l'association personnages à caractère humain et personnages à la morphologie cartoonesque, on se retrouve avec un profil identitaire commun. Ramsey ayant d'ailleurs un attrait particulier pour les ambiances glacées et festives prodiguant son lot de beautés visuelles. En témoigne le New York sous la neige de Moralès en réponse au lac gelé de Jack.


Gratter le vernis de l'entertainment


La première lecture des Cinq Légendes s'efforce de donner au spectateur ce qu'il attend : Une aventure hors du commun aux accents manichéens assumés, la réunification des quatre héros aux caractères bien trempés, l'arrivée de la nouvelle recrue et sa quête identitaire obligatoire ainsi que la perte des espoirs. Le terrain est balisé à mi-chemin entre pop culture contemporaine et photocopie inconsciente du classique de Alexandre Dumas mais le show s'illustre de la meilleure des manières grâce à un spectacle de sons et lumières couplés à l'idée d'un monde toujours maintenu en équilibre par des forces contraires. Rise of the Guardians n'est rien de moins que la représentation de l'univers adulte vu à travers le prisme de l'enfance. L'enfant et ses croyances qui permettent aux mythes de survivre à travers le temps trouve son écho dans la société moderne avec le pouvoir religieux silencieux en place. Les Cinq Légendes est-il juste un réflexe innocent et bienveillant ou un voile opaque destiné à contenir le peuple dans un carcan au travers de ses icônes populaires ? La seconde lecture bien moins candide que la première révèle que derrière l'entertainment l'idée d'une forme de prosélytisme peut poindre. Bunny le Lapin australien ne parle-t-il pas de renaissance à propos de Pâques afin de faire prendre conscience aux gamins de la réelle importance de continuer à CROIRE ? Santa Claus n'évoque-t-il pas la prédominance de Christmas sur les autres fêtes en rapport avec la Naissance du Christ ? Le message subliminal contenu au coeur des Cinq Légendes tend à créer la polémique par sa volonté de gommer la réalité au profit d'un moule onirique aux plus belles couleurs de Noël. Un film festif qui substitut à notre vision du monde, le principe d'une matrice religieuse pour enfants sages. Dans un contexte comme celui-ci, L'antagoniste Pitch black représenterait alors l'élu destiné à réorganiser le chaos au milieu des vaches hindous et dociles que nous sommes. Le principe de cauchemar étant quelque part une forme de réalité plus acceptable que le rêve cotonneux et manipulateur.


Que l'on analyse le film de Peter Ramsey sous toutes les coutures, sa puissance iconique ou religieuse contribue à rendre le projet passionnant et bien moins puéril que son envie de surfer sur la vague super héroïque qu'il mime, pourtant, superbement bien.

Star-Lord09
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le 15 déc. 2020

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