Auréolé de trois prix à la dernière Quinzaine des Réalisateurs de Cannes et plébiscité par des critiques unanimes, le premier film de l'inconnu Thomas Cailley est une pépite absolument inattendue.

Curieuse comparaison que l'on pourrait établir entre la mise en scène de Cailley et celle des frères Dardenne : évidemment, le cut est beaucoup plus utilisé par le premier mais il y a des similitudes indéniables entre ces deux caméras toutes naturelles, tremblant légèrement - comme pour montrer la fragilité de la situation - et épousant parfaitement le corps de leurs acteurs. L'ambiance - chaude, lumineuse - y est aussi pour quelque chose, nous plongeant littéralement dans un univers assez délaissé par le cinéma : les jeunes du sud de la France.

S'il est principalement considéré comme un film d'auteur, Les Combattants parvient à manier les genres et à les marier avec une habileté magnifique. Clairement découpé en trois actes distincts, le film reprend brillamment les codes de la comédie, de la romance et du drame tout en s'affranchissant d'eux en les adaptant à lui-même et à ce qui fait toute sa singularité. La force du film tient avant-tout de son écriture, miraculeuse, pleine de sens et emplie d'imprévisibilité, ce qui est si rare pour un premier film ; mais c'est d'abord son sens du comique qui frappe. La première partie est sans doute la plus drôle, car elle joue sur les rapports de force (d'un côté la carrure d'Adèle Haenel, de l'autre la douceur de Kevin Azaïs) sans jamais tomber dans le cliché. De même lorsque le film bascule du côté de la romance, en plein stage militaire : la réalité est filmée sans jamais qu'aucun trait ne soit forcé, de manière juste, tellement juste.

C'est lorsqu'il s'engouffre dans cette voie fantastique et brûlante de l'aventure à deux, la même que celle prônée par la protagoniste - à ce détail près qu'elle l'imaginait seule - que le film impose le respect. La narration, la musique, les images, basculent sans cesse. Rien n'est prévu entre ces deux corps abandonnés, libérés mais finalement retrouvés. La nature est le théâtre de leurs rêves, de leurs espoirs mais aussi de leurs échecs. Une scène - dont on ne révélera rien ici - marque tout particulièrement et confirme le talent de Cailley, qui parvient à transmettre à l'écran les doutes et les faiblesses de ses personnages. Plus que d'un teen-movie atypique, il s'agit avant-tout d'une histoire d'amour marginale, authentique et profondément libre. Les performances des deux acteurs principaux sont exceptionnelles, portent en elles une énergie faramineuse et ne manqueront pas d'en séduire plus d'un.

Ce premier long-métrage du jeune metteur en scène de la Fémis - on ne le répétera jamais assez - est un film rare, trop rare, à la fois personnel et partagé, envoûtant et angoissant, merveilleux et incomplet. Superbement écrit, brillamment mis en scène et magnifiquement interprété, Les Combattants est la proposition de cinéma la plus belle de l'été.
critikapab
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le 30 août 2014

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