Nattvardsgästerna interroge le silence de Dieu et le désarroi dans lequel il plonge les hommes contraints alors d’habiller ce silence par des mots pour lui donner sens et espoir. Le long métrage accorde une place importante, comme souvent chez Bergman, à la parole partagée, suivant l’idée que du dialogue naissent toujours l’expression d’un rapport au monde et parfois une entente : c’est le parcours d’un prêtre endeuillé et de l’institutrice qui voue à ce dernier une passion amoureuse proche de l’adoration, mais qui n’obtient en retour que distances froides parce que marquées par l’hypocrisie de la foi.

Aussi l’intérêt du film réside-t-il dans les explosions dudit prêtre, dans le passage d’un silence égoïste à une narration de soi qui, loin de l’égoïsme apparent, invite son interlocuteur à communier dans la souffrance, raison d’être de l’humanité. Deux séquences conduisent Tomas Ericsson à cet état, toutes les deux traduites par un glissement de l’obscurité à la lumière blanche, quasi aveuglante : seule compte la vérité de la douleur, et seule cette vérité peut rassembler les êtres. Nul hasard si l’homme d’Église, d’abord présenté comme souffrant de la grippe, paraît trouver un remède à son mal à mesure qu’il se livre. La précision du cadrage veille à placer chaque locuteur au premier plan d’une scène biblique ou d’une représentation du Christ ; la caméra y revient sans cesse, parcourt les cotes meurtries de Jésus ou capte en gros plan les clous qui le tiennent sur la croix ; elle met à nu, elle dépouille ses personnages pour nous donner accès à leur intériorité tourmentée, comme en témoigne la lecture de la lettre, séquence magnifique d’une remarquable élégance.

La temporalité du long métrage, une journée, plus précisément encore la distance qui sépare le premier office du second délivré dans une autre ville, fait du récit une tranche de vie, participe de la modestie de son personnel dramatique porteur néanmoins des questions essentielles. Un immense long métrage baigné dans un noir et blanc somptueux.

Créée

le 18 févr. 2023

Critique lue 21 fois

1 j'aime

Critique lue 21 fois

1

D'autres avis sur Les Communiants

Les Communiants
Alex-La-Biche
8

Confessions Divines

Les Communiants marque un virage important dans la carrière d'Ingmar Bergman dans la mesure où il marque une réelle rupture avec la religion, comme le montre la séquence d'ouverture avec cette messe,...

le 12 juin 2016

11 j'aime

1

Les Communiants
Sinbad
8

Le vacillement

"Mon dieu, pourquoi m'as tu abandonné ?" C'est par ces mots, prononcés également par le Christ durant la "Passion" que le pasteur Tomas Ericsson (allégorie du père du réalisateur, également pasteur,...

le 19 juil. 2016

6 j'aime

Les Communiants
EowynCwper
7

Critique de Les Communiants par Eowyn Cwper

Qu'est-ce qui rend le cinéma de Bergman plaisant ? Dans Les Communiants, ce n'est certainement pas le décor, une église où se pressent six fidèles devant un pasteur grippé. Ce n'est pas non plus...

le 10 août 2018

5 j'aime

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

86 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

77 j'aime

14