Je regrette de ne pas l'avoir vu durant la rétrospective à la CF car il s'agit de l'un de ses films les plus intéressant du début des années 80. Sauf que le DVD coréen est une belle abomination : recadré (on voit souvent des bouts de nez parler à des épaules), compressé n'importe comment et copie non restaurée brute de décoffrage. Même Bach Film aurait hésité à le sortir dans cet état. Et pas de sous-titres donc Brucette me faisait une traduction en live avec quelques pauses dans les séquences les plus dialoguées.


Ca ne m'a pas empêché d'apprécier ce drame psychologique vénéneux aux personnages torturés. Ceux-ci vivent encore dans le souvenirs de la misère de l'après-guerre tandis que la Corée est en plein mutation entre bidon-villes, quartiers en reconstruction et essor économique déjà trop agressif. Le héros (le fidèle Ahn Sung-Ki) décide de ne pas rater le train en marche et s'accroche - quitte à se renier - à cette proposition de prospérité à la situation privilégiée. Rapidement, une certaine perversion s'installe avec pulsions sexuelles, piège moral, hypocrisie et même une déliquescence existentialiste. Le film gagne ainsi une résonance spirituelle inattendue dans la seconde moitié qui lui permet de contourner sans doute la censure ; j'imagine bien les autorités avoir exigé une conclusion moralisatrice. [b]Les corrompus [/b]va assez loin dans sa crudité, pas tant physique (la nudité reste prude) que le contenu même des actes sexuels : impuissance, harnais pour soutenir les jambes de l'épouse handicapée, violence des rapports charnels qui forment une sorte d'échappatoire à sa propre déchéance. Ça en devient presque malsain et dérangeant dans quelques moments, renforcé par une utilisation à contre-emploi de musique traditionnelle et mélancolique.
Le film n'est jamais aussi bon que quand il oppose le consumérisme d'une époque au traumatisme des personnages (terrain vague, confort électro-ménager dernier cri, parc d'attraction vétuste, villa retirée). On retrouve bien là l'importance du cinéaste dans le choix ses lieux de tournage.


Quelque passages ont certes pris un petit coup de vieux avec des effets appuyés par toujours de bon goût (couleurs criardes) et interprétation est un peu rigide mais l'audace du sujet et l'absence de compromis sont remarquables. J'espère que la Kofa va lui offrir un meilleur écrin.

anthonyplu
7
Écrit par

Créée

le 11 nov. 2019

Critique lue 93 fois

1 j'aime

anthonyplu

Écrit par

Critique lue 93 fois

1

Du même critique

A Taxi Driver
anthonyplu
7

Maybe you can drive my car

L'ancien assistant de Kim ki-duk revient derrière la caméra après 6 ans d'absence. Il porte à l'écran une histoire vraie, elle-même plongée au cœur d'une page sombre de l'histoire sud-coréenne soit...

le 22 oct. 2017

16 j'aime

1

Absences répétées
anthonyplu
9

Absences remarquées

N'ayons pas peur des mots : voilà un chef d'oeuvre déchirant. C'est une sorte de cousin Au Feu follet de Louis Malle avec cette solitude existentielle et son personnage dans une fuite en avant vers...

le 8 oct. 2014

11 j'aime

2

The Crossing Part 2
anthonyplu
6

Comment créer une voie d'eau en voulant éviter l'accident

Grosse panique à bord après l'échec cuisant du premier épisode. Pour essayer de ramener le public dans les salles pour ce second opus, le film a été fortement remanié : reshoot et remontage en...

le 5 juil. 2017

9 j'aime