Un film très spécial qui laissera sûrment pas mal de monde sur la touche mais qui déborde de quelque chose de fascinant et de très Cronenberg.
La mise en scène fonctionne vraiment bien et l'image a un grain et une colorimétrie très travaillée et qui met bien en avant toutes les technologies du film.
J'ai particulièrement bien aimé le fait qu'il arrive à nous placer dans son univers sans en étaler tous les détails textuellement : Les décors se suffisent à eux même et raconte l'histoire du monde qu'il veut développper sans jamais trop montrer non plus pour nous laisser imaginer le reste. On arrive dans un monde qui existe et a existé sans nous.
Comme à son habitude, il pousse son idée du corps, de la chaire et de la souffrance oui mais surtout du plaisir que l'on peut en dégager. Le personnage joué par Viggo Mortensen est un homme qui a l'air en constante souffrance qui va reprendre les droits sur son corps par la douleur/plaisir qu'il s'inflige. Une façon de se réapropier Il explore aussi dans ce film le côté artistique : Le personnage développe de nouveaux organes dans son corps, on suppose que c'est quelque part volontaire, et c'est le fait de les extraires (action réalisée par sa compagne) qui constitue leur spectacle, leur oeuvre. Il est à la fois l'artiste et l'oeuvre d'art.
Mais outre le côté artistique, l'altération du corps est aussi vue comme un acte profondémment sensuel/ sexuel. Et c'est là que la mise en scène peut vraiment briller, en filmant ces chirurgies comme on filmerait des ébats sexuels, ça donne au côté un peu écoeurant de ce qu'il montre une touche très douce, voire érotique.
Ici la technologie prend une forme très charnelle et organique : On l'imagine presque vivante et consciente. Elle bouge, respire, grogne,... On a jamais à faire à une technologie "futuriste", tout semble archaïque, comme si ça c'était un assemblage d'os, de cartillage et de peaux. Ce qui semble continuer dans son idée du rapport très étroit qu'entretient la technologie vis-à-vis du corps.
Le vrai problème du film c'est que là où il infuse une puissance débordante dans son message et dans son thème, il reste très en retrait pour ce qui est d'avoir une vrai construction narrative. C'est un ami, dont c'est le premier film du réalisateur et qui est donc moins familier du propos, qui m'a dit avoir été complètement mis de côté. Il cherchait beaucoup du côté de l'histoire et j'avoue m'être laissé emporté par le message en laissant de côté cet aspect du film. Mais oui, l'histoire est confuse, parfois brouillonne et qui donc se perd dans le thème qu'il développe.