La grande force du film est son univers, riche et assumé. L'intrigue pourrait se situer dans un futur difficile à dater car nous ne voyons que très peu d'extérieurs. La plupart des scènes se déroule en effet dans des intérieurs très délabrés et austères tandis que les rares scènes en extérieur suggèrent un monde sombre et irrespirable principalement peuplé de mouches.
Dans ce monde, les êtres humains dorment et mangent mal au point de devoir être assistés par de monstrueuses machines, et ils ne ressentent plus la douleur. Leur plaisir semble également modifié puisque désormais, la chirurgie est la nouvelle sexualité. Les opérations deviennent des performances publiques, du divertissement, du contenu. Elles ont également un autre but, celui de retirer de nouveaux organes que les corps humains se sont mis à produire.
Les enjeux dans cet univers sont surtout centrés autour de cette évolution biologique puisque deux courants s'affrontent. Il y a d'un côté ceux qui acceptent cette évolution du corps humain et sont vus comme des rebelles, et de l'autre ceux qui veulent empêcher cela au point de starifier Tenser, interprété par Viggo Mortensen, qui pratique ces spectacles chirurgicaux. Une avancée majeure crée de l'espoir dans le premier groupe : une modification chirurgicale du système digestif a été transmise héréditairement à un enfant.
L'univers est extrêmement travaillé, aussi bien dans la forme que dans le fond, et les enjeux sont intéressants mais dans les faits il faut plusieurs scènes introductives, au niveau de subtilité variable, pour entrer dans cet univers. Ce n'est qu'à la toute fin que les enjeux deviendront clairs, tant les axes scénaristiques secondaires et les personnages s'accumulent. La chirurgie sexuelle, le tatouage d'organes, les performances artistiques, les concours de beauté interne... Les personnages semblent eux aussi perdus au milieu de tous ces enjeux et il est compliqué d'identifier leur place dans cet univers. Par exemple, le personnage joué par Kristen Stewart semble découvrir l'existence de cette nouvelle sexualité au début du récit, veut la découvrir en faisant partie d'un des specatcles de Tenser pour finalement essayer de séduire Tenser sur le terrain de l'"ancienne" sexualité et de saboter un de ses spectacles. On apprendra finalement qu'elle serait une agent infiltrée, mais cela est également le cas dans le récit de Tenser et du supérieur du personnage de K. Stewart ce qui offre peu de repères au spectateur.
Le film s'arrête au moment où tout est mis en place. On comprend enfin que l'être humain, grâce à l'intervention chirurgicale décidée par le groupe de rebelles, évolue et devient capable de digérer des déchets plastiques. L'espoir que cela engendre est d'ordre écologique, car l'être humain pourrait alors traiter lui-même ses propres déchets toxiques, et on peut penser que cela permettrait d'offrir un second souffle à un environnement qu'on devine en asphyxie.
Toutefois, plusieurs questions restent en suspens dont une principale : si cette évolution a été permise par une intervention chirurgicale précise, l'évolution biologique va-t-elle forcément dans le même sens ?
Quitter cet univers prématurément laisse aussi bien un sentiment de frustration et un goût d'inachevé qu'une certaine fascination qui pourrait suivre le spectateur plusieurs jours.