C’est encore la question de la dépossession du soi à l’ère hypermoderne, postmoderne, metamoderne etceteramoderne qui s’étale sur une métaphore pas si innovante mais assumée : l’individu morcelé, séparé de lui même et de sa propre réalité, se retrouve aliéné, dans crimes of the future, de ses propres organes.
D’un côté on voit les esthètes qui prennent un plaisir fétichiste à collectionner cette répétition d’événements organiques, a rose is a rose is a rose. Ceci se traduisant par une suite de performances sexuelles qui ne manquent pas d’attirer du public et de légitimer une action artistique douteuse mais bien marketée.
D’un autre on voit la société secrète des mangeurs de plastiques qui sont enlisés, malgré eux, dans ces processus de transformation de leurs corps qui ne dépend pas d’eux, ils n'ont pas la liberté de l'expression artistique pour s’approprier les termes de leurs propres conditions. Pour eux, ces transformations organiques ont atteint une réalité bien proche de l’être humain (qui n’en est plus un) que toutes ces pseudo-performances qui ont lieu dans la société techno-bourgeoise où le corps n’est déjà presque plus que le véhicule vide d'expériences sexuelles. Un vide qui obsède Seydoux car c’est une promesse de nouvelles significations. Mais ces nouvelles significations risquent précisément de se répéter dans le vide.
Les signes qui se répètent dans le vide, sont comme des expériences sexuelles dans le vide. C’est le kink postmoderne où le désir, aussi superficielle soit il est toujours mis au centre du préstige sociale. Frénésie de la consommation, exacerbée par un désir sexuel techno-kitsch, qui bien que plein de promesses (comme avait pu l’entrevoir Donna Harraway), perd toute consistance dans une société de la sacralisation des intérêts et désirs individuels où il est très facile du point de vue de l'ingénierie sociale, de manipuler les consciences dans le sens des intérêts du pouvoir.
Le couple de performateurs Léa et Viggo, se positionne à la frontière de cette “lutte” métaphorique entre les esthètes du nouveau kitsch organique et les mangeurs de plastique.
Viggo dans son acte de rébellion où on lui retranche ses nouveaux organes, s’oppose en premier temps à cette transformation radicale de l'espèce qui semble contre nature. Il incarne le sujet politique parfait, c’est une sorte de figure christique en proie au aléas inspirants du mal qui lui pousse dans le bide et en même temps il s’indigne contre celà en se positionnant comme un sujet humain et pure prêt à combattre sa condition d’être morcelé en une multiplicité d’organe sans nécessité.
Ce corps n’est pas moi, je me le réapproprie car c’est tout ce qui me reste de ma volonté d’être humain.
Mais évidemment nous ne sommes plus des êtres humains. L’idée de se réaliser, d’aller au bout de nos facultés, d’être à la hauteur des possibilités de la conscience humaine, se rapporte à vrai dire aux représentations bourgeoises courantes.
Et c’est cette volonté d’être humain qui est à la source de ce désir du techno-kitsch perpétuellement ressassé.
Être humain, cela veut dire consommer ces outils vendu LifeOrganicsForms (ou je ne sais plus) qui nous entretiennent dans cet état de mort-vivant, non-humain/non-humain. C’est pour celà que les mangeurs de plastiques sont assassinés, c’est un complot oui ; leurs société secrète risque de développer des formes organiques qui ne dépendent plus de la technologie: leurs organes se sont assemblés afin de former un système digestif parfaitement fonctionnel. En somme, leurs organes ne sont plus des morceaux de chaires arbitraires qui évoluent dans le vide.
C'est le moment parfait que nous attendons tous, le moment où enfin le déchet l'emporte sur l'espèce humaine. Moment féroce et magnifié dans ce dernier plan où Viggo s'extasie de quitter son humanité.
Notons pour finir, que nous avons déjà découvert en 2016 des bactéries qui mangent du plastique dans les parties les plus polluées du monde.