Les Crocs du Diable , plus sobrement intitulé El Perro dans sa version originale est l'avant dernier film du réalisateur espagnol Antonio Isari-Isasmendi. Si au départ je m'attendais à un banal film d'agression animale avec un chien enragé, j'ai été surpris de découvrir un chouette petit film d'aventures doublé d'une parabole politique sur la chute de Franco. Car si le film prend place dans une dictature sud-américaine d'un pays indéterminé, c'est sans aucun doute et comme un miroir au régime franquiste que le réalisateur espagnol fait largement allusion.


Le film se déroule donc dans une dictature d’Amérique du sud ou le dirigeant surnommé le bienfaiteur par ses partisans et le chien par ses détracteurs dirige d'une main de fer le pays en faisant interner et torturer ses opposants politiques. C'est pourtant d'une de ses prisons que parvient à s'échapper Aristides Ungria, un modeste mathématicien qui détient dans le secret de formules mathématiques le noms de plusieurs membres important de la révolution et de la résistance. L'homme est immédiatement pris en chasse par Sancho un limier sadique accompagné de son fidèle berger allemand à qui il va donner pour ultime mission de poursuivre le fugitif jusqu'à la mort.


La première partie du film, en dehors de son contexte politique très fort, laisse entrevoir une simple mais intense et longue course poursuite entre cet homme traqué et ce chasseur accompagné de son chien meurtrier. Antonio Isari-Isasmendi nous plonge toutefois immédiatement, par le choix de plans larges montrant de magnifiques panorama et paysages, dans une dynamique de grande aventures et de grand spectacle qui va dépasser le cadre trop restreint de ces trois simples protagonistes réunis autour d'un concept de pur survival. Cette première longue partie est pour moi la plus intense et la mieux maîtrisée du film; elle réserve quelques surprises narratives, elle est d'une grande puissance dramatique, elle est servie par une mise en scène à la fois ample et nerveuse et elle n'appuie pas outre mesure la symbolique de son message politique. Je ne sais pas ou exactement le film a été tourné mais ces décors de marais noyés dans les herbes hautes, la carrière rocailleuse baignée d'un soleil de plomb dont s'échappe le héros sont terriblement cinégéniques Jason Miller, surtout connu pour son interprétation du père Karras dans L'Exorciste, donne de sa personne dans le rôle du fugitif Aristides notamment lors d'une longue séquence ou il doit lutter complètement nu mano à patto avec le clébard lancé à ses trousses. A part quelques effets de style un peu vieillot comme le vue subjective du chien ou une séquence que le réalisateur répète trois fois sous différents angles pour essayer d'en démultiplier l'impact, Les Crocs du Diable commence par un quasi sans fautes avec un récit prenant, spectaculaire et agréable


Dans sa seconde moitié du film, en retrouvant un décor urbain et de multiples personnages le récit semble se déliter petit à petit mais sans pour autant perdre le spectateur. Le film entre un peu plus dans une logique de thriller politique mais sans que les enjeux soient assez riches et complexes pour construire une véritable tension autour d'eux. Un peu dans cette ordre d'idée, le film introduit l'ex compagne du héros (incarnée par Lea Massari), une femme devenue par la contrainte complice du régime mais dont on a du mal à comprendre la profonde utilité dans le récit si ce n'est pour servir de ressort dramatique un peu rouillé. Le film qui tourne alors vaguement autour de la préparation d'un coup d’état aurait peut être mérité un peu plus de densité dans sa narration, un peu plus de suspens dans l'élaboration du plan et un peu plus de force dans ses enjeux dramatiques et politiques. Il reste fort heureusement ce sale clébard qui tel un infatigable Terminator poursuit sa mission en traquant sa cible jusque dans les rues et en éliminant tous les complices de la cavale du fugitif. Déjà présente au départ, la métaphore politique de cette force de destruction traquant sans relâches les opposants pour les réduire au silence à grands coups de crocs se fait plus évidente et même un poil trop démonstrative lors de l'épilogue du film. Le chien représente aussi de manière symbolique celui qui suit les ordres de son maître sans réfléchir et sans dévier de son devoir d'obéissance. Pour terminer il convient de saluer la bande originale signé Anton Garcia Abril et plus encore les belles chansons pleines de mélancolie de Angela Carasco qui l'accompagne.


Les Crocs Du Diable est une belle réussite qui donne envie de se pencher sur la filmographie de Antonio Isari-Isasmendi que personnellement je ne connaissais pas du tout.


freddyK
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le 16 janv. 2023

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