Quoi de mieux en cette période festive placée sous le signe du soleil, de la chaleur ambiante, des tropiques et des palmiers (j'exagère à peine) qu'un film d'horreur aquatique dépaysant? Et culte, au delà de tous les clichés d'île paradisiaque que je viens d'énumérer. (Et la liste est longue...Il manque les cocktails, les vanihés, les balades en bateau, les chalets en bois sur la plage au sable fin...et les requins!) Bien entendu. L'ingrédient qui vient ajouter un peu de piment à ce paradis terrestre et qui fera cauchemarder certaines bimbos et touristes malchanceux...


Spielberg signe en 1975 le premier blockbuster de l'histoire du cinéma qui, paradoxalement, attirera la foule en salles obscures en plein été...et qui, à vrai dire, ne rassurera pas celle-ci en ce qui concerne leurs tranquilles petites baignades annuelles à la mer. Bien au contraire.


En matière de perversion du quotidien, le cinéma peut s'estimer coupable de bien des crimes. Les jouets et les clowns, perçus comme des figures bienveillantes et d'une positivité irréfragable, ont été mises à mal par quelques maudits réalisateurs qui ont préféré mettre nos nerfs à rude épreuve et faire remonter nos peurs d'enfance pour les façonner et se les détourner pour faire d'elles des choses bien plus redoutables, épouvantables que nous ne pourrions les imaginer.


Même chose avec les animaux. Et c'est ce qu'a fait très subtilement Spielberg dans ce film car ici, le prédateur du récit n'est autre qu'un requin blanc. Un prédateur téméraire, récalcitrant et extrêmement dangereux...Et aussi terriblement intelligent.


Le film se subdivise en deux parties. La première partie consiste en l'apparition du fameux requin et des premières victimes affolant l' officier de police paranoïaque Martin Brody, joué par Roy Scheider, impétueux et préventif pour contrer la menace mais impuissant face au maire et autres promoteurs immobiliers véreux. Et oui, pourquoi faire fermer la plage sous prétexte qu'un requin se balade dans les eaux alors qu'un spring break approche et qu'il faut bien renflouer les caisses? Au risque de faire une ou deux victimes supplémentaires?


Il était évident que cette première partie allait déboucher fatalement vers la traque des fameuses "Dents de la mer". Une fois que les vacanciers se sont rendus compte de la menace, il fallait faire évoluer la situation. C'est à dire faire amener l'œuvre vers son chapitre le plus excitant:


La seconde partie se résume à une chasse au requin entre un loup de mer, Quint, le chef de la police Martin Brody et Matt Hooper, un expert en océanographie. Un expert, un policier aquaphobe et un vieux pécheur. Trois personnalités aux caractères diamétralement opposés mais un trio formidable qui crève l'écran. Nous pouvons reprocher la lenteur de cet acte, comblé néanmoins par une très solide écriture et des répliques cultes et drôles à foison, mais elle est justifiée, pour que la tension monte petit à petit et pour laisser émerger ensuite la lutte fatidique contre le requin, un combat tendu et grandiose qui se hisse à la hauteur de nos attentes.


C'est là toute la force de l'œuvre. Quarante ans après sa sortie, "Les dents de la mer" n'a pas pris une seule ride! "Jaws" (pour faire plus court) n'a rien perdu de sa superbe, de sa tension palpable et de sa force évocatrice. "Jaws" est un chef d'œuvre et le restera à jamais. C'est un bijou du septième art, incroyablement réalisé, incroyablement joué et incroyablement pervers car il parvient l'exploit de dé-banaliser un animal marin pour en faire un implacable et terrifiant ennemi et de ce fait, traumatiser bon nombre d'amateurs de vacances à la plage et engendrer une subite peur panique de l'eau ou bien, l'accroitre chez certains, dans un lieu où personne ne se douterait être victime de quoi que ce soit. Comme quoi, on n'est à l'abri du danger nul part, merci de nous avoir bien fait comprendre cela , chers réalisateurs.


Ce sera un succès fulgurant, personne ne me contredira là dessus, et qui dit "succès" dit "suite" (c'en est presque des synonymes dans l'industrie du cinéma) et donc je vais rapidement en toucher deux mots. J'ai enchaîné le visionnage de ce chef d'œuvre par le second opus, le bien nommé "Les dents de la mer, 2 ème partie" qui, non content de se permettre un fond semblable à celui du premier opus, est une séquelle très convenue et affreusement conventionnelle. Les personnages, vous les connaissez, l'histoire aussi...un requin ressurgit dans la petite station balnéaire du premier film, Amity. Nous nageons en plein terrain connu. (Veuillez me pardonner pour cet effroyable jeu de mots) Si la première partie reproduit grossièrement les évènements de son prédécesseur, la seconde relèvera de l'ersatz de la traque au requin, vulgaire blague de celle orchestrée par Spielberg. (Attention toutefois, Jaws 2 n'a pas cette prétention et, à des années lumière de Jaws, reste un divertissement correct quoique somme toute banale). L'intrigue est redéfinie pile en milieu de film, d'ailleurs, lorsque des adolescents se perdent en mer et se retrouvent face au requin. Une tournure prise avec des personnages pas spécialement introduits, peu charismatiques et sous-développés pour un combat final souffrant de la comparaison avec son aîné, qui n'aura pas un impact similaire ni le talent de mise en scène.


Jaws 3D ne vaut pas le détour non plus, et, si il prend une voie différente des deux premiers volets, il reste un produit médiocre plombé par sa mauvaise gestion de la 3D. En découle des effets hideux, qui ont très mal vieillis et qui sont, en l'état, plus risibles qu'autre chose. Outre les effets, le récit n'est pas passionnant pour un sou et l'ennui y trouve sa place rapidement. La saga se terminera sur un quatrième volet, cherchant à faire remonter la franchise vers le large, tourné, monté à la hâte, avec quelques séquences invraisemblables, un scénario limite, un requin inerte et une tension absente et qui enterrera (Enfin, coulera) la franchise pour de bon lors de sortie en 1987.


Tiens, c'est curieux qu'en quatre films, aucun des protagonistes ne se pose la question de savoir pourquoi et comment tant de requins en sont arrivés jusqu'à la côté, et pourquoi aucun filet de sécurité n'y est installé? C'est drôle parce que dans chaque film de cette franchise, ça donne ceci "des requins? non non. Allez plutôt dans l'eau au lieu de me sortir des inepties pareilles".


Il est grand temps de (re)découvrir cette œuvre en pleine période estivale...Et si ce n'est pas déjà le cas, foncez! Non...Plongez...

QuentinDubois
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le 29 juil. 2016

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Quentin Dubois

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