Bon je voulais activer dès le départ ici le mode « Mini chro' » les zamis mais en fait ce ne sera involontairement pas le cas.


Parce que bon, j'avoue ne pas être non plus un grand fan de Shinkai et sa dernière livraison m'a laissé un peu pantois (deuxième film de l'année qui me fait cet effet... J'attends le troisième pour savoir s'il faut que je consulte sous peine de déprime invisible labellisée 2020 sous-jacente). Autant le dire, il fut un temps où je fus fâché avec le réalisateur, et ce dès son premier long, « La tour au delà des nuages » (2004) qui n'exploitait pas vraiment son formidable potentiel (une uchronie similaire à celle d'un Maître du haut-château de Philip.K.Dick) au profit d'un triangle amoureux inavoué et platonique entre 3 jeunes (deux garçons, une fille). Je ne me suis vraiment réconcilié avec le bonhomme qu'avec Your Name. Ce dernier n'était pas parfait non plus mais équilibrait idéalement l'histoire d'amour avec le drame science-fiction en toile de fond jusqu'à donner aux deux la juste part qui leur revenait, c'est à dire les mêlant tous deux adroitement au premier plan.


On ajoutait à ça une empathie bienvenue et de l'humour qui faisait passer sans problème les rares gags lourds à base de nichons (une obsession de l'auteur un peu gênante qui n'était d'ailleurs pas à l’œuvre sur ses premières travaux si je me rappelle bien) et une bande-son un brin « binaire » (pour montrer que là c'est triste hop un peu de piano (1), tout va bien dans ta vie hop de la pop-rock indigente japonaise à 2,3 reprises (2), ça s'accélère y'a un peu d'action, vite rajoute un peu de beats électro.... et c'est tout). Mais ça allait car au sens le plus noble, Makoto Shinkai venait de réussir un vrai divertissement populaire pour tous, petits et grands qui de plus dans son histoire se rapprochait plus ou moins d'une véritable catastrophe nationale, j'ai nommé Fukushima de bien sinistre mémoire.


Avec Les enfants de la pluie (3), Shinkai va traiter du réchauffement climatique en mêlant à nouveau la pluie (déjà toile de fond narrative de The garden of words en 2013) à l'honneur en en faisant la nouvelle catastrophe probable qui s'abat sur le Japon. Pourtant avec de bonnes idées de départ, le réalisateur semble perdu d'emblée, ébauchant à peine certains concepts (par exemple les « poissons d'eau » entr’aperçus dans les rues ne serviront à rien dans l'histoire), les liant pour la base poétique de son film sans finalement aboutir à quelque chose (la fin du film elle-même semble un renoncement spectaculaire façon « ah mais bon ça va tant qu'il y a de la vie y'a de l'espoir »... Ah ouais, même si le monde et l'humanité disparaît quoi, on va pas trop faire grand chose, OK...).


On retrouvera également, sans cette fois que ça serve vraiment à l'histoire un héros qui ne peut s'empêcher de regarder les poitrines féminines (une fois on sourit, c'est maladroit, réutilisé plein de fois ça devient un effet de style pénible dans le film, c'est bon Makoto on a compris, tu peux arrêter les coups de coude au spectateur masculin jeune japonais qui lutte généralement avec sa libido et à qui s'adresse en partie ton film) et une musique « binaire » comme expliquée précédemment sauf qu'ici le cocktail sera largement 30% piano basique et 70% rock-pop indigent et pauvre franchement pète-couille et mixé à fond pour bien t'exploser les oreilles de joie au cas où t'aurais pas compris que la-vie-malgré-tout-elle-reste-belle-youpla-boum-youpilong (4) ! Raaah pitié. J'ai crû mourir.


Et qu'on m'explique pourquoi de plus en plus pour montrer une sensation de liberté extraordinaire qui te transcende dans l'animation japonaise de ces dernières années on fige une ou deux personnes dans le vide au déjà du ciel et des nuages comme dans une sorte de suspension ? Surtout si c'est pour faire tourner ça en figure de style déjà vue et revue d'un film et d'un réalisateur à un autre et que au final ça n'apporte plus grand chose tellement le procédé tourne au cliché. Je m'explique, on voyait déjà ça en 2018 chez Mamoru Hosoda sur Miraï ma petite sœur, on le voit également ici en 2020 sur Les enfants du temps de Makoto Shinkai et je crois qu'on le voyait aussi probablement dans Your Name. Alors quoi ? On copie par dessus l'épaule de ses petits camarades de l'animation ?


En soi ce n'est pas une scène proprement nouvelle dans l'animation, il faut remonter à la descente suspendue (5) de Pazu et Sheeta dans Le château dans le ciel (1986) de Hayao Miyazaki, quand nos jeunes héros sont poursuivis par les pirates et tombent lentement dans l'immense puits noir, soutenus par la puissance du cristal que Sheeta porte au cou pour sentir toute la magie qui se déroule là. Miyazaki suspend littéralement le moment, faisant fi de la gravité pour apporter une grâce toute personnelle et simple à travers ces enfants qui se prennent à rire de joie et de bonheur en voyant que leur chute ne sera plus mortelle mais qu'elle les envoie dans une obscurité salvatrice (ils échappent aux pirates et aux ignobles inconnus) et magnifique (dans le noir le plafond de la grotte s'illuminera de multiples roches comme autant d'étoiles). Le réalisateur poussera l'acmé de cette chute qui est sienne en en faisant une révélation d'espoir et de bonheur final, comme une délivrance magique émouvante dans Le Voyage de Chihiro (2001 et je m'arrête là sinon je spoile), c'est dire. Un peu triste dès lors que des générations de passionnés qui vont ensuite travailler dans l'animation n'en retiendront que ça au final : une figure, déclinable au gré de multiples films par de multiples réalisateurs pour rabaisser un moment unique à quelque chose de déjà vu et revu.


Du coup, je râle je râle mais le film se révèle assez regardable n'allez pas dire que j'en dis que du mal non plus. Et puis personnellement, voir ces immenses cumulo-nimbus disposant d'un peu de verdure au sommet (un autre monde inédit que Shinkai ne développe pas plus non plus hélas, les réduisant à un simple décorum impressionnant et joli mais vide, décidément) m'aura permis de me replonger dans les peintures de paysages majestueux de Roger Dean (6) où les rochers flottent dans les airs par magie (7), où la roche se fait comme éclaboussée et gicle en de multiples endroits et où les cavernes et montagnes se dressent comme des cumulo-nimbus de pierres majestueuses qui nous happent au premier coup d’œil avec bien plus de consistance. Sans espérer qu'on ait un nouveau Miyazaki comme beaucoup l'espèrent sur le web à travers Shinkai, je dirais que pour les quelques sympathiques à-côtés que le film procure, ma foi, c'est déjà ça.


======


(1) Et du truc basique avec quelques notes seulement pour effet probablement de créer du minimalisme mais même faire de la musique un brin minimaliste avec un piano ce n'est pas ça.


(2) Écoutez par exemple les merveilleux disques de Maaya Sakamoto produits ou non par Yoko Kanno puis écoutez les chansons de Your Name et surtout Les enfants du temps, vous allez en tomber de votre chaise au vu du fossé médiocre qu'on a.


(3) Le titre original est Weathering with you, que l'on pourrait probablement traduire maladroitement par « faire la météo avec toi » tant le terme initial « weathering » mis à part de sa racine de base, le mot « weather » qui désigne le climat météorologique signifie en fait basiquement l'érosion.


(4) Que William Sheller m'excuse, je le referais plus.


(5) Remonter la descente : il n'y avait que moi pour tenter ça.


(6) Les nombreuses pochettes signées pour le groupe YES par exemple.


(7) Une possible inspiration pour le Avatar de James Cameron par ailleurs.

Nio_Lynes
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le 12 janv. 2020

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Nio_Lynes

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