Le premier plan des Feux de l’été annonce celui à venir de l’ample ouverture de Traitre sur commande : une façade qui flambe, ici une grange qui vaut à Ben Quick le boutefeu, d’être exilé de sa communauté.


L’ordre, la mainmise par les puissants, la contestation, l’électron libre venu mettre du sable de l’engrenage : on retrouve là bien des thèmes du cinéma de Martin Ritt. Pour sa première collaboration avec Paul Newman, avec qui il fera quatre films, le jeune réalisateur très gauchiste se place sous l’autorité de Faulkner, pour un récit qui ressemble par bien des points à celui de Tennessee Williams adapté la même année avec le même comédien, La Chatte sur un toit brûlant : une vaste propriété du Sud, un patriarche tyrannique, des enfants brisés et la question délicate de la succession.


Orson Welles prend en charge le rôle du père, toujours motivé lorsqu’il s’agit de camper des ogres obèses et antipathiques. La performance, par essence, n’est pas un modèle de finesse, et l’équilibre avec Newman peine à s’établir : on a davantage fait confiance à l’incisif des répliques (ce qui vaut aussi pour le duo que ce dernier fait avec son épouse à la ville, Joanne Woodward) qu’à une réelle mise en scène.


Le thème n’est pas inintéressant : la confusion des deux hommes entre la négociation d’affaire et familiale, la substitution d’un fils par un autre, plus retors, et la revendication de la fille à être prise en considération en tant qu’être humain complexe génère quelques échanges bien sentis.


C’est le traitement qui pèche : très littéraire, très théâtrale, l’écriture s’exhibe trop, et phagocyte des acteurs (c’est particulièrement vrai pour les seconds rôles, celui du fils et de son épouse) dans des échanges qui manquent de fluidité et d’intimité.


La satire au vitriol des grandes familles fonctionne dans un premier temps, mais laisse place à une comédie du mariage finalement assez convenue, voire carrément formatée dans son dénouement, dans lequel on peine à déceler une part d’ironie.


Le retour au feu initial, allumé par le fils voulant assassiner son père avant de se rétracter, fait prendre conscience à ce dernier que son rejeton en a finalement dans le pantalon, et de lui redonner ses galons d’héritier en chef… Tandis que de l’autre côté, le nouvel arrivant renonce à forcer la jeune fille au mariage qui, du coup, ne désire plus que ça.


C’est tellement simple, la vie, en réalité. Faulkner semble bien loin.


Il ne suffit donc pas de s’inspirer des lignes d’un grand auteur pour en capter l’essence. De ce film qui ne démérite pas en termes de folklore et de stars, il reste surtout la saveur assez désagréable de l’édulcoration.


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Sergent_Pepper
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le 30 juil. 2017

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Sergent_Pepper

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