Étant donné que Les filles du Docteur March sortait le 1er janvier en France et que je rentrais le 2 sur Paris, je savais que ce serait le premier film que je verrais en 2020 au cinéma.


Malgré le fait que je sois impatiente de découvrir ce second long-métrage pour la réalisatrice américaine, je n'ai pas regardé la bande-annonce et j'ai essayé, au maximum, de ne pas avoir d'attentes particulières. Cependant, ayant précédemment vu et adoré la version de Mervyn LeRoy (1949) et celle de Gillian Armstrong (1994), j'avais forcément un peu d'appréhension vis-à-vis de cette nouvelle adaptation...


Premier point positif : la photographie de Yorick Le Saux (notamment chef-opérateur sur High Life de Claire Denis, A bigger splash de Luca Guadagnino, Only lovers left alive de Jim Jarmusch etc...) qui est d'une beauté somptueuse et chaleureuse à en rendre jaloux plus d'un et qui a ravi mes yeux de bout en bout.


Deuxième point positif : le scénario / le montage. Il faut savoir qu'à l'origine, le livre a été publié en deux parties : l'enfance des soeurs March puis leur vie une fois adultes. Plutôt que de raconter l'histoire de manière linéaire, Greta Gerwig a préféré rompre la chronologie en mettant en place des allers-retours entre les deux périodes avec pour fil rouge l’histoire de Jo.


Ce choix est osé d'autant plus que la cinéaste a choisi de garder le même casting pour les deux périodes ce qui peut, dans un premier temps être un peu déroutant mais qui, selon moi, est en définitive habilement exploité.


En effet, de tout le film je crois que ce dont je suis le plus admirative c'est cette faculté à avoir trouver le moyen de moderniser ce récit en le dynamisant au sein même de sa structure. La réalisatrice a le sens du rythme et son parti pris fonctionne à merveille. Les deux heures passent sans qu'on s'en rende compte. Il y a un côté sanguin, palpitant qui revitalise le spectateur.


Troisième point positif : la direction artistique. Que ce soit en termes de décors, de costumes, de maquillages, de coiffures, d'accessoires, tout est absolument superbe.


On pourrait d'ailleurs peut-être reproché trop de joliesse et de "superficialité" à la mise-en-scène de Gerwig. Personnellement, c'est vrai que je ne m'attendais à être éblouie visuellement mais plutôt touchée émotionnellement ce qui, je le regrette un peu, n'a pas été entièrement le cas.


J'ignore si justement c'est par cette splendeur plastique que mes émotions sont restées contenues?


Le lyrisme et la passion sont présents c'est évident, pourtant quelques détails m'ont gênée. Parmi eux : le casting. Moi qui étais particulièrement excitée par le regroupement de tous ces acteurs que j'adore dans un seul et même film, je dois avouer que je n'ai pas été totalement convaincue par tous les choix de la réalisatrice.


Louis Garrel en Pr Friedrich Bhaer? Pas convaincue. Florence Pugh en Amy? Malgré le fait qu'elle soit brillante, elle semble ne pas être tout à fait à sa place. Emma Watson en Meg? Quasi transparente. Meryl Streep en Tante March? Anecdotique. J'ai eu donc comme l'impression d'assister à une surenchère de noms célèbres plutôt qu'une décision justifiée de comédiens faits pour le rôle.


Toutefois, il y a une continuité dans cette relecture puisque Greta Gerwig reste dans la lignée des adaptations précédentes en étant fidèle au texte tout en réactualisant l'histoire avec finesse et en lui apportant plus de vitalité que jamais. Ses filles du Docteur March sont plus féministes que jamais, représentant chacune des versions diverses de notre société actuelle entre la soeur qui désire se marier, celle qui ne veut pas etc...


En conclusion, malgré un soucis au niveau du casting selon mon humble avis, je salue la brillance d'esprit de la cinéaste à avoir cassé sa narration à l'aide de flashbacks et flashforwards ainsi que son soucis du détail. Carrière à suivre en tout cas, en espérant que son prochain film sera aussi aboutis que ces deux premiers!


Anecdotes :
1. Les Quatre Filles du Docteur March est parue à une époque où seuls les hommes étaient pris au sérieux dans le domaine de la littérature. Dès sa publication, le roman a connu un succès retentissant et s’est retrouvé en rupture de stock en quelques jours. Au début, l'oeuvre comportait 23 chapitres. Le succès était tel que Louisa May Alcott a écrit 24 chapitres supplémentaires sous la pression de son éditeur. Traduit dans une cinquantaine de langues, le livre a été adapté au théâtre, à la télévision, au cinéma, et il existe même un opéra et un dessin animé qui s'en inspirent.
2. Emma Watson a remplacé Emma Stone dans le rôle de Meg car celle-ci était déjà prise par le tournage de La Favorite. Hasard des plateaux, Stone a remplacé Watson dans La La Land, alors que cette dernière tournait La Belle et la bête.
3. Il a fallu trois mois au chef-décorateur Jess Gonchor et à son équipe pour construire la propriété des March de manière artisanale. Ils se sont inspirés d'Orchard House, la maison de Louisa May Alcott, parfaitement préservée et reconvertie en musée.
Les intérieurs de la propriété (le rez-de-chaussée, les chambres et le grenier) ont été créés dans un entrepôt de Franklin, dans le Massachusetts. Les extérieurs ont été bâtis à Concord, ville où a vécu Louisa May Alcott et dont elle s'est inspirée pour son roman.

SybilleGuerriero
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le 8 sept. 2020

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