Chouette ! Jacques Audiard s'est lancé un défi, celui de faire une incursion dans le genre codé du western. Défi d'autant plus intéressant que le genre est tombé en désuétude, comme si les cinéastes étaient désormais conscients et dégoutés des symboles discutables qu'il a véhiculés pendant de nombreuses années : suprématie du cow-boy blanc, sauvagerie des Indiens, apologie du machisme, manichéisme pratique et simpliste... On se disait donc que Jacques Audiard, avec son audace et son French Flair, avec son envie de sonder les cœurs et l'humanité de ses contemporains ("De battre mon cœur s'est arrêté", "De rouille et d'os", "Un prophète", "Dheepan"...) allait balancer un pavé salutaire et original dans la marre du Far West. En son temps Kévin Costner l'avait fait avec son mémorable "Dancing with wolves" (1990) et plus tard Kelly Reichardt avec "La dernière piste" (2010) ou plus récemment Scott Cooper avec le remarqué et réflexif "Hostiles" (2017)... Mais à vrai dire, Audiard n'en a rien fait. Certes son film a quelques atouts : un titre accrocheur, tellement antithétique qu'il en est amusant, des acteurs de très haut rang (J. Phenix, J. C. Reilly, J. Gyllenhaal), des paysages somptueux. Le scénario se tient et les principaux codes sont respectés : le riche oppresseur, les duels aux pistolets, les saloons emblématiques, les grands espaces... Et même si quelques idées intéressantes apparaissent en filigrane, comme l'elliptique figure féminine, synonyme de salut et habilement opposée un temps à une inquiétante femme masculinisée (le personnage de Mayfield), ou encore la quête d'un paradis terrestre débarrassé des vicissitudes humaines, la trame est trop classique et on ne se passionne pas pour les destinées des quatre protagonistes principaux. Remplacer des cowboys taiseux par des chasseurs de primes qui osent s'épancher sur l'inanité de leur existence n'est pas suffisamment révolutionnaire. L'opposition entre l'aîné sensible et le cadet tourmenté est vivifiante sans être jamais réellement enthousiasmante. Le destin de ce duo, finalement seul véritable intérêt du film, manque de dramatisme. Sans doute est-ce dû à un règlement beaucoup trop rapide des embûches qui surviennent, ou à des revirements si incongrus qu'ils laissent perplexes. Quant à la conclusion, elle est tout simplement bâclée... On sort du film sans y être jamais vraiment entré, en se disant que le défi que s'était lancé le talentueux Audiard et dont nous nous réjouissions, n'était finalement qu'une volonté toute personnelle de se faire plaisir.