Alors oui, Les Gardiens de la Galaxie, c'est un film plutôt cool. Un film qui fait respirer le cinéma de Marvel Studios après les soupes indescriptibles que Kevin Feige et ses collègues nous ont servi depuis le premier Iron Man. Respirer parce que malgré tous les défenseurs que je vois déjà venir en parlant de cohérence de l'univers, de plaisir assumé pris à la multiplication des CGI et des explosions, ou d'hommage à l'esprit comic book, il ne faut pas se mentir, ces films sont assez médiocres en terme de cinéma, que ce soit au niveau de la mise en scène, où certes l'action est lisible mais plate et sans éclats, ou que ce soit au niveau de l'écriture, véritablement catastrophique quand il s'agit d'écrire des personnages.

Là où Les Gardiens de la Galaxie réussit à se démarquer, c'est grâce à une idée géniale de James Gunn : la Awesome Mixtape que porte en permanence Star Lord pour accompagner ses aventures et détourner l'attention de ses ennemis. Les chansons des années 1970 qui résonnent via cette cassette envoient balader l'esprit de sérieux qui a toujours régné sur les films Marvel, et réussissent à créer de vraies scènes de comédie, de l'apparition démentielle du titre du film à la résolution du combat final contre Ronan. C'est aussi la marque de fabrique d'un personnage qui se fiche de toute logique et vraisemblance : a priori, rien de bien choquant pour Peter Quill/Star Lord que de se retrouver soudainement dans un univers à la Star Wars où se multiplient les créatures étranges, de pouvoir se sortir de situations impossibles ou de voir sa vie constamment menacée par des dizaines de mercenaires. Non, l'essentiel, c'est de prendre son pied, littéralement, à l'image de cette scène où Quill tente de séduire Gamora par la musique de sa Awesome Mixtape, alors que celle-ci était prête à le tuer il y a peu de temps. L'idée est donc séduisante : faire un film Marvel, mais le faire sans les complexes imposés par les standards des films de super-héros contemporains (Christopher Nolan, c'est toi que j'incrimine), le tout saupoudré de quelques relents de space opera à la Star Wars pour la prolifération des décors, bestioles extraterrestres et autres batailles de vaisseaux spatiaux (qui n'ont néanmoins pas la grâce de celles de la saga précitée).

Malheureusement, pour aussi cool et sympa que le film puisse être, on peut aussi en faire un exemple. Un exemple pour montrer que Marvel Studios n'aime pas le risque, émet des concessions dont le résultat est nécessairement irritant, et surtout doit définitivement renvoyer ses scénaristes à des ateliers d'écriture. Car pour chaque idée de James Gunn apparaît son exact contraire et tout ce qui a contribué à faire des films Marvel une bouillie redondante. La Awesome Mixtape est fabuleuse et se suffit à elle-même ? Non se dit Kevin Feige, il faut continuer à servir au public la même musique pseudo-orchestrale pour accompagner le moindre mouvement de caméra, quitte à engager un homme sans talent pour assurer le contraste (Tyler Bates, bras droit de Zack Snyder, ce qui explique sa subtilité légendaire). On a enfin l'occasion de faire une grande comédie décomplexée, on engage des acteurs de talents qui sont passés par le genre (Chris Pratt, John C. Reilly, Bradley Cooper) et on mobilise même un réalisateur qui en a fait son credo ? Non se dit Kevin Feige, il faut avoir plus d'ambition et écrire une sous-intrigue mélodramatique pour plomber tous les personnages, même si le mélo, genre par excellence de la nuance, mérite un minimum de subtilité (qu'on ne me dise pas que la mère de Quill motive ses actes et que son fantôme pèse sur le film, elle apparaît deux fois, est mentionnée via son cadeau deux autres fois, et le reste du temps, le plus important pour Quill, c'est de coucher avec les rares personnages féminins et de se bagarrer dans la joie et la bonne humeur, soit le cocktail parfait d'un bon deuil). Certes, il y a Rocket Racoon qui sauve un peu la mise, en réussissant à désamorcer ces moments mélo (pour la plupart situés avant l'acte final), mais toujours de justesse, pour clôturer la scène en question, comme pour rappeler qu'on assiste à une comédie.

Je ne peux m'empêcher d'écrire deux lignes sur le méchant incarné par Lee Pace, Ronan, pour souligner ce qui est la plus grosse lacune d'écriture des films Marvel, soit la motivation des personnages. Encore une fois, les scénaristes ont tenté d'expliquer son désir destructeur. Après l'homme qui ne veut pas qu'on fasse du mal à son perroquet dans Iron Man 2, l'homme qui a attendu une heure sous la pluie dans Iron Man 3, et les nazis qui sont méchants...parce qu'ils sont nazis dans Captain America, cette fois-ci on peut découvrir un antagoniste qui veut détruire une planète parce que... Ah mince, je n'ai rien dit, en fait il veut juste tout faire sauter sans raison.

Bref, je ne vais pas sombrer dans la même mauvaise foi que celle dont Feige fait constamment preuve. Les Gardiens de la Galaxie n'est pas un mauvais film, loin de là. C'est une récréation pop, qui a un vrai désir de débrider l'univers de Marvel Studios, mais malheureusement, une fois encore, ce dernier ne cesse de reprendre ses droits et contredit toutes les bonnes intentions de James Gunn et de ses acteurs. Dommage qu'Edgar Wright se soit désisté d'Ant-Man (on devine qu'il n'a pas accepté de concessions artistiques), car on aurait pu assister ici à la première pierre d'une réorientation des histoires de Marvel Studios vers ce à quoi ils ont toujours prétendu : du pur divertissement qui s'assume et sait faire oublier la salle de cinéma.
Arthur_Boulier
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le 13 août 2014

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Arthur Boulier

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