La Présentation



Les Harmonies Werckmeister est un film de Béla Tarr sorti en 2000, inspiré du roman La Mélancolie de la Résistance de Laszlo Krasznahorkai avec Lars Rudolph, Peter Fitz et Hanna Schygulla dans les rôles principaux.


Les Harmonies Werckmeister se passe dans une petite ville hongroise où arrive un sinistre cirque itinérant qui abrite une baleine morte et un homme s'autoproclamant " prince ".


Nous suivrons Janos Valuska, un jeune coursier passionné par l'astronomie allant même jusqu'à organiser avec un verre dans le nez, des petits spectacles pour expliquer le fonctionnement du système solaire.


Cependant, avec toute la tension que génère le cirque, il va se retrouver au milieu d'un conflit qui le dépasse totalement ...





Nihilisme sur son lit de dépits avec un peu de chaos pour relever le tout





Il est difficile de parler de ce film sans parler du style de son réalisateur qui fait une véritable symbiose avec son propos.


On peut y trouver des similitudes avec Andrei Tarkovski en particulier par rapport aux plans séquences qui ont l'air d'être de poèmes ainsi que l'approche métaphysique et allégorique de ces films (avec contrairement aux autres films de Tarr, l'implication du fantastique, comme dans Stalker, où dès le début, l'image est onirique).


Les Harmonies Werckmeister se rapproche de Stalker notamment via la dépiction d'un monde sans croyance et de son impact sur les gens.


Sauf que là où Tarkovski montre à quel point le manque de religion peut causer des actes aussi immoraux que les Guerres Mondiales, etc.


Les Harmonies Werckmeister nous envoie à la tronche que le spiritualisme ne sert à rien et que la religion est un outil pour manipuler les gens.


Le film ne compte que 39 cuts avec des scènes d'environ 3-4 minutes en moyenne, où on a des passages de balades d'un point à un autre filmé en noir et blanc ... ce choix est fait pour montrer la vacuité de l'existence, les ténèbres intérieures de l'être humain, qui ne peut jamais rien faire d'autre que s'auto-détruire en rêvant d'un monde meilleur qui ne viendra pas à cause de notre bêtise, la facilité avec laquelle nous nous faisons manipuler ou encore, notre simple renoncement face aux chances infimes de ce paradis ...


Les Harmonies Werckmeister commence par l'explication du système solaire afin de communiquer avec sa fin. En effet, le fait que Janos explique le système solaire avec ces cycles, est une allégorie de notre système politique et de la manière dont nous le changeons avec la possibilité d'une éclipse incarnée par la révolution menée par le Prince, même si le film est particulièrement pessimiste quant au fait qu'elle puisse changer quoi que ce soit ... tout cela me fait beaucoup penser à ce passage d'Il était une Fois la Révolution de Sergio Leone : https://youtu.be/S_yTkiStLD8


Mais alors, que représente la baleine morte ?


Elle pourrait symboliser l'état Hongrois totalement à bout de souffle après ce qui semble être l'après seconde guerre mondiale, avec les pays de l'Europe de l'Est à la merci des idées communistes (du prince), coupé de l'Europe de l'Ouest via la RDA et RFA.


Elle pourrait symboliser dieu et dans ce cas, le film aborderait un territoire Nietzschéen, avec son fameux : " Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! " (même si Nietzsche n'était pas un fervent athéiste, il avait plus l'air d'être un déiste comme Voltaire)


Tout le monde se fiche de cette baleine à part Janos, il s'émerveille devant ce cadavre putréfiant à la laideur si prononcée, qu'elle en devient " belle ", au regard envoutant.


Au final, elle se retrouvera gisant au milieu de la place publique, et la seule personne qui y voit quelque chose, sera écrasé ... dans des temps tribaux, il faut choisir un camp sous peine de se faire écraser, car on sera toujours en minorité dans la " neutralité ", que dans un des deux camps malheureusement. On peut le voir de nos jours avec nos politiques, on voit clairement qui est avec qui, rares sont ceux qui traversent l'ensemble des a priori pour voir les hypocrisies, failles et avantages de chacun !


Du coup, Les Harmonies Werckmeister hurle Memento Mori, que notre monde est horrible, et que nous ne trouverons dans nos vies que de la beauté (qui a elle-même autant de définitions que de personnes pour la définir ...) dans des choses comme un œil d'une baleine, ne servant à rien. Qui nous ferra culpabiliser, pour devenir nostalgique d'une chose vaine, mais qui l'espace d'un moment, nous a émerveillé, produisant un cercle vicieux !


Puis nous mourons, en nous rendant compte que pleurer sur le fait que ça n'a aucun sens est également vain, car on essaye de pleurer face au regard vide d'une baleine ... le monde est vide, il l'a toujours été et il le sera toujours !





La Mélancolie de la Résistance / Les Harmonies Werckmeister





Contrairement à La Mélancolie de la Résistance, Janos n'est pas juste un idiot manipulé, perdu dans des jeux de forces entre sa mère et madame Eszter, mais un visionnaire traversant la misère pour recréer une harmonie céleste jouant de pair avec les harmonies de monsieur Eszter.


En effet, Bela Tarr efface toute l'intrigue autour de la mère de Janos et Madame Eszter. Décidant de débuter son film avec la scène du bistrot, qui est dans le livre, une simple attraction des adeptes du bistrot pour prolonger la beuverie, tout en se moquant de Janos.


Mais dans le film, le fantastique s'empare du film, pour avoir une scène d'une rare grâce au milieu de la misère du quotidien des personnages.


Janos et Mr. Eszter essayent de capturer l'extraordinaire durant l'intégralité du métrage, de retrouver des harmonies perdues qui s'oppose à l'aspect plus calculateur des autres personnages comme le Prince et Madame Eszter qui ne se pose que la question : Que peut-on faire de cette agitation ?


Narrativement, Madame Eszter a gagné, mais visuellement, elle est balayée et l'image qui reste, est le visage de Janos face à l'œil de la baleine !





Les Acteurs





Lars Rudolph est magnétique par son décalage face aux autres acteurs qui jouent volontairement des personnes totalement désabusées ou tentant de manipuler tout le monde !


Il me rappelle beaucoup le jeu de Rutger Hauer dans Blade Runner ou Alexandre Kaidanovski dans Stalker lors de leurs phases les plus mystiques !


Peter Fitz a d'ailleurs une relation touchante avec le personnage de Lars Rudolph par leur rapport proche d'un père et de son fils, alors que le fils devient peu à peu responsable de son père !


L'inverse du personnage d'Hanna Schygulla, connue pour avoir joué dans les films de Rainer Werner Fassbinder, galvanisante dans son rôle de collaboratrice de l'armée allemande !


Ces trois personnages étant joués par des acteurs Allemands, leur présence apporte un côté légendaire à leurs personnages, contrairement aux autres acteurs qui sont Hongrois.





La Musique





La B.O est signée par Mihàly Vig. B.O qui se compose de deux morceaux : Valuska et Old que je vous conseille d'écouter tous deux, les morceaux font une symbiose avec le film, prenant le temps de se développer capturant à merveille Valuska et Mr. Ezster !





La Conclusion





Pour conclure, Les Harmonies Werckmeister est l'un des meilleurs films que j'ai pu voir, et je ne peux que vous recommander de le voir !

Créée

le 1 mai 2020

Critique lue 207 fois

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Albator_Larson

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