Adaptation prestigieuse du roman de Laclos, Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears se présente comme un duel de brillants esprits, un ballet de manipulations et de désirs vénéneux. Pourtant, sous la brillance du vernis — costumes somptueux, répliques ciselées, casting impeccable sur le papier — le film peine à faire sentir la cruauté véritable du matériau originel.
L’entreprise privilégie la reconstitution élégante à l’énergie corrosive. Les joutes verbales, certes bien jouées, manquent de cette pointe de perversité qui ferait vibrer chaque échange. La mise en scène, trop sage, semble se contenter d’accompagner les acteurs plutôt que de traduire visuellement la violence feutrée des rapports de pouvoir. Tout paraît lisse, contrôlé, presque muséal — une tragédie en habits du dimanche.
Le résultat est un film qui reste souvent à distance, comme si Frears n’osait jamais franchir le seuil du scandale moral qu’il met pourtant au cœur de son récit. La passion demeure théorique, la manipulation trop théâtralisée, et la mécanique du récit, impeccablement huilée, tourne à vide faute d’un véritable vertige émotionnel.