Je l'avoue d'emblée : non seulement je n'ai jamais lu le livre de Victor Hugo, mais en plus je n'avais jusque-là jamais vu la moindre adaptation des "Misérables". Enfin il y a bien le sketch des Inconnus, néanmoins ça ne compte pas vraiment...
Ce fut donc un double plaisir de déguster "Les Misérables" cuvée 1958. Celui de découvrir l'intrigue du roman, et celui de voir une ambitieuse coproduction internationale. France, Italie, Allemagne de l'Est : et oui, c'était avant le Mur de Berlin...
Dès le départ, Jean-Paul Le Chanois nous met dans le bain, avec de très beaux décors, naturels ou reconstitués. Et il retranscrit avec force cette histoire poignante sur la pauvreté, la dignité, la morale, et la justice, à une époque où voler un morceau de pain peut conduire de fil en aiguille au bagne à perpétuité.
On est aussi très bien servi question distribution. Jean Gabin en Jean Valjean, le forçat devenu un homme noble d'âme, qui tente d'éviter le malheur aux autres. Bernard Blier en Javert, le policier très scrupuleux des lois, mais peu de la douleur qu'il cause, qui traquera Valjean sans relâche. L'ironie étant que Gabin et Blier étaient très amis à la ville ! Et Bourvil, étonnant en Thénardier, le rat crapuleux qui ne recule jamais devant une fourberie pour gagner quelques sous.
Ceux-ci, et une galerie de personnages secondaires, se noueront dans une fresque qui s'étale sur plusieurs décennies. En passant par une courte représentation de la bataille de Waterloo, et une plus longue bataille sur les barricades lors de l'insurrection parisienne de 1832. Encore une fois, les moyens se voient ! Avec également des bons mots dans les dialogues, j'imagine tirés du roman.
Je reprocherai à l'ensemble de curieuses ellipses. Notamment Jean Valjean qui parvient régulièrement à devenir un bon bourgeois malgré ses fuites. Ou Thénardier qui tombe dans la misère à chaque fois, alors qu'il est expert pour soutirer de grosses sommes...
Ainsi qu'une voix off pas franchement indispensable, qui parfois se contente d'expliquer ce que l'on voit à l'écran (!). L'envie de réciter le roman que l'on adapte ? Elle permet sans doute aussi de faire du liant pour pouvoir raconter toute l'histoire sur une durée raisonnable. Il se murmure en effet que le premier montage durait 5h15, et que de nombreuses scènes furent coupées !
Mais pas de quoi gâcher le plaisir, d'autant qu'en l'état, la version en deux époques (plus de 3 heures au total) est très rythmée, sans perdre de sa profondeur.