Siegfried, fils unique du roi Siegmund, quitte son pays pour la Cour des Burgondes. En chemin, il tue un dragon dont le sang, dans lequel il se baigne, lui confère une quasi invulnérabilité...Il se taille une place de choix à la cour, ayant conquis le coeur de Krimhield et aidé le falot roi Gunther à prendre la main de la valkyrie, Brunehild, reine d'Islande, grâce au heaume magique, victorieux d'un parcours d'obstacles qu'elle avait toujours remporté.
Suscitant la jalousie à la cour des Nibelungen et la haine de Brunehild qui a appris la supercherie de la bouche de Krimhield, il est secrètement condamné à mort et transpercé par la lance de Hagen Von Troje, un colossal guerrier borgne,habillé de noir, dont la casque est orné de plumes de corbeaux, vassal de la cour, qui le frappe à un endroit précis du torse, son seul point de vulnérabilité lors d'une partie de chasse. Krimhield, veuve inconsolable, décide de quitter les Burgondes pour le royaume d'Attila et devenir sa femme. Elle va préparer sa terrible vengeance.
La légende médiévale, le film de Fritz Lang....
En 1924 sort dans une Allemagne en ébullition, Les Nibelungen de Fritz Lang, immense œuvre cinématographique de 4 heures 53 en deux volets (La Mort de Siegfried et La Vengeance de Kriemhild) qui puise son inspiration dans un texte du XIIIe siècle, la Chanson des Nibelungen. La fable des Nibelungen avait inspiré L’Anneau de Nibelung de Richard Wagner (Cycle de 4 opéras finalisé en 1876). Porté à l'écran en 2 parties d'une durée de 4h53, Les Nibelungen deviendra la référence du nationalisme allemand et une des références culturelles du nazisme, via Siegfried incarnant le blond, froid et puissant barbare poético-sanguinaire, trahi par ses pairs. Centré sur les exploits guerriers de chevaliers, il vient à point nommé étayer le discours nationaliste et militariste diffusé par les autorités de Berlin pendant la Grande Guerre et celle qui s'annonce, une orientation que ne partageait absolument pas le réalisateur allemand Fritz Lang....
Si le premier volet raconte la légende de Sigfried, surnommé Le héros, son ascension puis sa chute, le second est centré sur la vengeance obsessionnelle de Krimhield qui veut la tête de Hagen, l'assassin de son mari. Les hommes de la cour des Nibelungen invités chez Attila, les choses dégénèrent très vite lorsque Hagen, assassine l'enfant issu de l'union de Krimhield et d'Attila. Retranché dans le palais royal, les Nibelungen font mieux que se défendre face aux hordes de Huns jusqu'à ce que Krimhield ordonne que l'on incendie la palais, ce qui contraindra les rares survivants, dont Hagen, à sortir épuisés du palais pour être exécutés. Les Nibelungen sont éradiqués.
Deux rôles de femmes fortes dans un univers guerrier masculin....
Die Nibelungen n'est nullement une oeuvre à la gloire des Nibelungen, trop lâches, manoeuvriers et jaloux pour susciter la moindre empathie. Le péché originel qui marquera leur fin, bien plus tard, est le complot et l'assassinat de Sigfried (qui n'est pas sans rappeler l'univers sombre de Shakespeare). L'autre message du film, c'est le rôle majeur joué par les 2 personnages féminins, Brunehild (Hanna Ralph), trompée par Gunther et Sigfried lors de son parcours d'obstacles, qui ment, en prétendant que Sigfried a pris sa virginité, pour peser dans la balance et faire assassiner Sigfried, aidée en cela par une révélation bien maladroite de Krimhield.....
Une fois Sigfried assassiné, elle avouera son mensonge aux Nibelungen puis se suicidera en s'empoisonnant.
L'autre personnage féminin majeur est bien évidemment Krimhield qui ne trouvera le repos qu'une fois la tête d'Hagen au bout d'une pique. Bien naive avant l'assassinat de Sigfried, elle facilite le travail d'Hagen lui indiquant précisément le point faible de Sigfried, celui ci lui racontant des fadaises pour, soi disant, le protéger. Interprétée par Margarete Schön, le regard exorbité comme plongée dans une transe de mort perpétuelle, Krimhield va "tisser une toile" dont aucun de ses proches ne sortira vivant. Elle leur avait pourtant laissé une porte de sortie alors que les combats faisaient rage, lui livrer le vassal Hagen, ce qu'ils refuseront. Elle sacrifiera sa famille, les Huns, l'enfant qu'elle a eu avec Attila pour parvenir à ses fins, tel l'ange de la vengeance et de la destruction, avant d'être assassinée d'un coup de lance dans le dos. Conscient qu'il a été dupé et utilisé, Attila demandera le rapatriement du corps de Krimhield en Burgondie.
"Depuis le meurtre de Sigfried, je suis morte...." (Krimhield)
Chef d'oeuvre de l'expressionnisme allemand, Les Nibelungen est le film fondateur du cinéma d'Heroic Fantasy. Voué aux gémonies parce que récupéré par le Reich allemand à des fins de propagande, Les Nibelungen mérite d'être redécouvert, surtout dans sa version restaurée, il serait dommage que sa splendeur demeure cachée.
Ma note: 9/10