Comme l'expliquait Bernard Eisenschitz lors de sa présentation de la séance, Ermler est peut-être le seul cinéaste soviétique à s'intéresser aux dissidents ou aux ennemis des communistes et à leur donner une parole qui n'est jamais ridiculisée, diabolisée ou même instrumentalisée. Il pouvait ainsi montrer des figures du capitalisme davantage pathétique que perfide dans Les débris de l'empire. C'est encore le cas ici, où la seconde partie est centrée sur un assassin qui conserve une réelle dimension humaine.
Ce frappe d'ailleurs c'est l'équilibre du mélange des genres : des scènes drôles et décalées (la compétition gastronomique) s'enchaînent à des moments de violences froides (la mort de l'épouse) entre deux touches plus documentaristes, un soupçon de propagande, du drame psychologique et du film noir.
Les paysans conservent pourtant une belle homogénéité par des glissements progressifs généralement habiles, car toujours centrés sur une communauté et donc ses personnages.
Le film est par contre un peu moins viscéral dans sa réalisation que les Débris de l'Empire, avec quelques soucis de rythme dans le premier tiers (le temps de mettre en place l'univers, la crise porcine n'étant au final qu'un McGuffin).
Mais son interprétation gagne en nuance en avançant et l'atmosphère se fait de plus en plus sombre pour culminer dans une dernière demi-heure très prenante et passionnante.