Ah, Les Petits Mouchoirs. Qu'est-ce que j'ai eu envie de cracher sur ce film. J'ignore si c'était à cause du côté cinéma français qui commence vraiment à parler de cul sans trop se cacher, d'homosexualité refoulée, de vacances au Cap Ferret (quelle destination de parigots, j'vous jure), et tout le saint bataclan. J'vous passerai bien sûr l'époque où Guillaume Canet me sortait par les yeux, où je ne voyais aucun intérêt à Marion Cotillard une fois sortie de La Môme, et où mon amour naissant pour Jean Dujardin n'était pas encore assez fort pour m'obliger à mater un film de 2h30 avec François "Sourcils" Cluzet dedans. Même si bon. Y'a quand même Benoît Magimel, dedans. Je t'aime, Benoit. Ou du moins je t'aimais, avant que tu t'englues dans Marseille, mais c'est une autre histoire.
J'ai regardé ce film après des circonstances quelque peu particulières. Un contexte directement lié à l'intrigue principale, d'ailleurs. Sans aller jusqu'à parler d'une claque, je me suis reconnue dans bon nombre de sous-messages disséminés çà et là dans l'œuvre de Canet. Non, Les Petits Mouchoirs n'a rien d'un grand film. La mise en scène est correcte mais d'une sobriété confinant parfois à la pauvreté. Le casting est en effet bien présent, mais on ne peut guère parler de régularité quant à la qualité du jeu. On prend le temps d'instaurer une ambiance durant ces longues vacances, mais l'exercice semble s'étirer quelque peu en vain.
Pourtant, j'ai aimé. J'ai aimé cette atmosphère qui précède le drame. Cette forme gâchée d'adieux jamais ouvertement murmurés. Tout a une fin. Les meilleurs souvenirs, les super bandes de potes et les plus belles histoires d'amour ne valent rien face au temps qui passe, qui fait grisonner les tempes et s'aigrir les mémoires. On sent la catastrophe arriver. On a du mal à concevoir ce semi-abandon d'un ami sur un lit d'hôpital, tout en réalisant au fond de soi qu'à leur place, ça nous aurait bien fait chier d'annuler ces vacances. Parce qu'il faut vivre vite, que le boulot nous vole tout : temps, énergie et bonne humeur (jusqu'à notre compassion), et que les rares bulles de plaisir à notre disposition éclatent, si l'on n'en prend pas soin tout de suite. Les Petits Mouchoirs retrace cette forme d'égoïsme à la fois individuel et pluriel qui nous a tous saisi un jour ou l'autre.
On a été désespérément en colère comme Max, on a été éconduit comme Vincent, on a tout gâché comme Eric, on a voulu fuir comme Marie, on a voulu s'étourdir comme Ludo, et on a aimé comme Antoine. Oui, les années passent vite, et les souvenirs paraissent se faner presque aussitôt, déjà vieux sitôt qu'on a essayé à tout prix de les graver sur un DVD. On repasse en boucle ces souvenirs pour rassurer nos neurones, par peur du vide, par peur d'oublier ce que c'est, d'être heureux. Les déconnades pures, les soirées de picole et de musique, de bonne bouffe et de rires. Alors on se marre devant ce film, on rit, et on est souvent un peu triste.
Mélancolique, sa jolie conclusion nous laisse sur une morale perçue dès les premières minutes : aimer, et dire qu'on aime tant qu'on le peut encore.
Pas si niais.
Et pas si con.