Peu connu, Pirates de l’île sauvage n’en est pas moins intéressant, financé avec des fonds de Nouvelle-Zélande avec une belle équipe à la barre. Sorti en 1983, il a pour lui son cadre paradisiaque et exotique, puisque le film se déroule dans le Pacifique du Sud dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Certes, dans son aventure riche en péripéties et en personnages taquins, il se rapproche du ton des Indiana Jones dont le premier venait de sortir, sans la même maîtrise, mais on peut aussi faire le rapprochement avec les films d’aventure des années glorieuses d’Hollywood. Le film est à la fois palpitant, mais aussi assez facile d’un point de vue scénaristique.
Comme l’indique son titre original, le peu sexy Nate and Hayes, le film se base sur un duo, celui de Hayes, aventurier un peu pirate, mais aussi navigateur taquin, et de Nate, jeune homme d’abord arrogant, qui va s’endurcir aux côtés de Hayes. Car les deux hommes partagent la même attirance, celle pour Sophie, promise à se marier au futur pasteur Nate, mais enlevée par le perfide Ben Pease, négrier en mèche avec l’empire prusse qui cherche à étendre son emprise sur l’océan Pacifique.
C’est avant tout le prétexte à une chasse à l’homme bien mouvementée, dans les beaux paysages des îles Fidji et de la Nouvelle-Zélande, avec des personnages hauts en couleurs, déterminés. Le scénario est de David Odell, un habitué de la Jim Henson Compagny, ayant travaillé sur la série Muppet Show et sur Dark Crystal, aidé par John Hugues, pas encore connu pour ses comédies adolescentes mythiques des années 1980. Ces deux braves messieurs privilégient l’aventure et l’action, au point de ne guère interroger leurs personnages. Ils sont définis dès leur introduction, avec une personnalité bien définie et n’en changeront guère. Seul Nate bénéficie d’un meilleur traitement, passant d’un odieux pasteur jaloux de l’étincelle entre Hayes et Sophie à un aventurier assez efficace, sautant d’un point à l’autre, distribuant les coups. Mais cette évolution arrive d’un seul coup, sans aucune justification.
Le triangle amoureux entre Nate et Hayes aurait pu être un sujet majeur de discorde, une rivalité piquante, mais si on le devine dans quelques conversations, il n’est guère développé. Les deux s’apprivoisent sans difficultés, dans une camaraderie sans grande concurrence. Une scène nocturne de beuverie entraînera la question sur la table, qui se conclue après différentes amabilités que Sophie devra décider par elle-même. C’est gentil pour elle.
Sophie qui n’est pas oubliée, heureusement, dont l’existence est sans cesse rappelée, mais un peu en peine puisque prisonnière. Elle reste la demoiselle en détresse. C’est dommage, car elle possède un fort caractère, mais aussi une agréable présence. Jenny Seagrove est d’ailleurs assez épatante, avec son visage juvénile mais ses grands yeux si expressifs. Elle offre de la matière à son personnage.
Il n’est pas saugrenu qu’elle en pince pour Hayes, joué par Tommy Lee Jones loin de son image d’acteur désabusé ou grincheux qu’il trimballe depuis les années 2000. On le (re)découvre barbu, mais aussi plus taquin, déterminé et énergique. Un aventurier de la mer qui sent l'iode. A ses côtés, Michael O’Keefe, qu’il est amusant de retrouver après Le Golf en folie, en jeune loup de mer fait plus difficilement l’affaire, la comparaison lui réussit moins bien.
L’antagoniste principal, vieille connaissance de Hayes, est d’ailleurs une belle révélation. Négrier, trafiquant, filou, vaurien, ne servant que ses intérêts, Pease est un des seigneurs noirs de l’Océan Pacifique. Tous deux ont d’ailleurs vraiment existé, même si le film hollywoodifie leur relation. Ce méchant à la peau cuivré par le soleil, avec son chapeau, ses guenilles et sa moralité qui ne sert que ses objectifs, ferait un beau méchant de western. C’est l’australien Max Philipps qui endosse les bottes, interprète de Dr Frank-N-Furter dans l’adaptation locale de The Rocky Horror Show (et pour ça il a déjà tout mon respect), et qui aura plus tard quelques rôles notamment dans Mad Max 2 ou Dakota Harris (déclinaison australienne d'Indiana Jones).
Cette belle équipe peut profiter des décors ensoleillés de la région, et de sa mer au bleu envoutant, même si cela ne devait pas forcément être facile avec certains costumes certainement trop chauds pour ce climat. Prenant place au sein de l’océan Pacifique du milieu du XIXième siècle, l’âge d’or de la piraterie est déjà passée, un thème soufflé avec la confrontation entre les voiliers de Nate et Hayes contre le cuirassée mécanique de la Prusse. Le film ne semble pas bénéficier d’un grand budget. S’il peut profiter de beaux voiliers déjà existants, d’une représentation de Samoa riche en figurants et en faux décors, il lui manque parfois de la poudre aux yeux pour épater le spectateur. Le film tente de contrebalancer avec d’autres arguments, avec ses cascades exagérées (et parfois outrées, comme ce renversement de radeau improbable), ses morts appuyées (très nombreuses, mais avec très peu de sang, ouf les enfants peuvent rester) ou ses pistolets qui ont pour l’époque et encore maintenant des chargeurs assez impressionnants. L’action est là, soulignée sans grande subtilité, mais assez plaisante. Et voir Tommy Lee Jones dans un duel de sabres et s’en sortir admirablement bien fait son petit effet.
L’action est d’ailleurs accompagnée d’une bande son très entrainante, due à Trevor Jones, compositeur reconnu alors pour son travail sur Excalibur de John Boorman, Dark Crystal ou Labyrinth, parmi d’autres compositions. Son thème pour le film a de l’énergie, et représente une belle signature mais aussi un bel exemple de ce qu’est le film. Une oeuvre qui ne vise qu’à divertir, où le spectacle est roi, énergique et plaisant, mais dont il est à craindre que le souvenir ne survive mal au poids des années.