Au tout début du film, la petite Amy qui récupère le soldat blessé dans la forêt, raconte à ses "sœurs" de pensionnat, avoir vu une colonie de fourmis attraper un hanneton. On ne le sait pas encore à cet instant mais on peut s'en douter, il y a déjà là une métaphore de l'histoire à venir.
Le hanneton, c'est en effet, le caporal yankee Mc Burney, laissé pour mort sur le champ de bataille et incarné par un Clint Eastwood sexy en diable qui ajoute au charme de sa virilité l'empathie irrésistible d'un homme affaibli. Et qui va passer comme par magie de l'enfer d'une guerre meurtrière à un éden on ne peut plus inattendu. Car le voilà mis à l'abri et aux petits soins d'un pensionnat de jeunes filles, isolé en pleine campagne. Autant dire que la situation ne manque pas de potentiel érotique entre ce coco là et ces femmes n'ayant pas fréquenté d'hommes depuis des lustres.
Car si nos neuf pensionnaires, chacune avec leur personnalité, leur âge et leur pouvoir au sein de la petite communauté ont indéniablement un coté "fourmis" - en ces temps incertains, on les voit s'organiser, travailler aux champs et anticiper des temps encore plus durs - elles se verraient bien jouer les cigales le temps d'une nuit avec le beau caporal. Au risque de faire éclater la belle harmonie qui régnait dans la maisonnée sous la houlette de Miss Martha, la directrice.
Le huis-clos qui va se jouer sous nos yeux ne va dès lors pas manquer d'intérêt. La façon dont chacune de ces femmes va succomber au charme de Mc B. n'est pas sans rappeler le Terence Stamp de Pasolini terrassant de son charme divin tous les membres d'une famille de la haute bourgeoisie dans Théorème. A la différence que ce dernier n'est jamais prisonnier de la situation qu'il génère, là où l'on comprend que le caporal McB., épinglé par toutes ces femmes, se retrouve quant à lui dominé par ses pulsions les plus triviales. Il n'a rien de divin, bien au contraire. Et il va se rendre compte à son grand désespoir de la difficulté de passer d'un fantasme - celui, très masculin, du harem - à sa mise en pratique ! Il aimerait disposer de toutes ces femmes, de la plus jeune à la plus influente mais elles ne sont pas disposées à partager ! Et si le titre suggère que les femmes seront ici des proies, on comprend très vite, à la suite de la métaphore initiale - que ce seront plutôt elles les prédatrices. Des prédatrices qui sont elles-mêmes loin d'être des anges !
Car le thème du mensonge est au cœur du film. Il permet à Don Siegel de s'amuser avec le hors champ des personnages : celui de leur passé pas toujours respectable ou celui de leurs fantasmes...à portée de main.


Il y a d'abord les mensonges de McB. quand il vend à Miss Martha son soi-disant humanisme alors que surgissent - hors champ- ses souvenirs de tueur impitoyable, ou quand la directrice cultive son image de probité alors qu'elle a elle même nourri pendant plusieurs années une relation incestueuse avec son propre frère. Et il en va ainsi de la plupart des personnages.


Une situation explosive donc, vénéneuse, qui au final n'épargnera, personne.


Un film prenant, remarquablement bien interprété et plutôt bien mis en scène (même si les zooms avant/arrière dont use et abuse Don Siegel semblent quelque peu datés en termes de réalisation).


Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 8/10
Réalisation/mise en scène : 7/10


8/10

Theloma
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Duel de femmes, Regards d'enfants, Couleur, noir&blanc et monochromie et Mon top 1000

Créée

le 21 oct. 2017

Critique lue 857 fois

25 j'aime

13 commentaires

Theloma

Écrit par

Critique lue 857 fois

25
13

D'autres avis sur Les Proies

Les Proies
Sergent_Pepper
8

Smells like keen spirit.

Don Siegel poursuit l’aventure avec Eastwood en lui proposant de nouvelles terres de conquêtes, délaissant le western au profit d’un récit historique et psychologique. A l’abris supposé de...

le 9 déc. 2014

64 j'aime

7

Les Proies
drélium
8

Le pensionnat des jeunes filles sévères

Largement réévalué depuis son échec commercial et critique initial, grosse plus-value et petite diffusion, culte bien ancré, ambiance lourde assurée, les attentes sont donc forcément hautes...

le 22 janv. 2015

58 j'aime

21

Les Proies
Docteur_Jivago
8

Derrière les masques

C'est en pleine guerre de sécession que Don Siegel nous envoie avec Les Proies en 1971, récit narrant les péripéties d'un soldat nordiste blessé à la jambe dans un pensionnat sudiste pour jeunes...

le 6 juin 2017

36 j'aime

13

Du même critique

Us
Theloma
7

L'invasion des profanateurs de villégiature

Avec Us et après Get Out, Jordan Peele tire sa deuxième cartouche estampillée "film d'horreur". Sans vraiment réussir à faire mouche il livre un film esthétiquement réussi, intéressant sur le fond...

le 21 mars 2019

107 j'aime

33

Ad Astra
Theloma
5

La gravité et la pesanteur

La quête du père qui s’est fait la malle est un thème classique de la littérature ou du cinéma. Clifford (Tommy Lee Jones) le père de Roy Mac Bride (Brad Pitt) n’a quant à lui pas lésiné sur la...

le 18 sept. 2019

97 j'aime

55

Life - Origine inconnue
Theloma
7

Martien go home

Les films de série B présentent bien souvent le défaut de n'être que de pâles copies de prestigieux ainés - Alien en l’occurrence - sans réussir à sortir du canevas original et à en réinventer...

le 21 avr. 2017

81 j'aime

17