L'histoire de l'ombre dans la lumière ou l'exercice de style.

Une oeuvre que je trouve singulière. Pourquoi? Cronenberg est hors des sentiers battus, hors de ses sentiers battus. Oui si vous cherchez un Cronenberg visuellement semblable à ses origines vous serez déçus. Cependant la flamme est bel et bien là et sans doute fort sous estimée.

Ce film qui raconte comment une infirmière tente de lever le voile sur la mort mystérieuse d'une fille à l'hôpital alors qu'elle venait d'accoucher, se rive presque autant sur l'ascension d'un homme de main dans un clan de la mafia russe. L'histoire de la fille et celle de notre Viggo, que je en révèlerai point, seront déterminante à long terme. L'histoire peut sembler en soit classique mais a la mérite de mêler plusieurs sujets assez compliqués, sans que l'un ou l'autre ne bouffe l'ensemble. Cet acte de bravoure est dès lors un réel tour de force. La profondeur d'un scénario exquis, sans lourdeur et tout en fluidité nous pose en réels spectateurs omniscients et nous délivre la clé aisément, du moins à tout bon oeil, et surtout au moment propice. Plus de tractations durant le film, on regarde et on attend. Un savant dosage, filtre de l'aisance cinématographique. En somme une très grande maitrise scénaristique. On peut donc admirer une trame homogène autour de la fidélité, la relation père-fils, l'alcoolisme, la mafia, la prostitution, l'ascension, l'honneur, le code, l'amour, la distance... J'en passe scénario au combien dense et fluide. Tout est abordé sans lourdeur, l'ensemble garde une cohésion significative. Je ne parviens pas réellement à exprimer cela, mais on ressent que tous les sujets de l'Humanité sont touchés sans pour autant en être étouffés. On connait la trame principale mais elle n'étouffe pas non plus. Une vraie histoire de mafia, sans lourdeur tout un ensemble qui coule doucement et inexorablement comme l'eau de la Tamise...

Principal ressenti tout de même, la suggestion, beaucoup de suggestion. La violence à laquelle on assiste, hormis le combat final, est souvent dénuées, pas de réelle conviction. Tout le stress ou autre est suggéré. Tout s'est passé quand on l'apprend ou tout se passe loin de notre regard. On ne peut regarder dans l'ombre si elle n'est pas éclairée. En réalité beaucoup de pudeur et de froideur. On assiste là en fait aux tractations intermédiaires. On nous laisse comprendre, mais c'est un sentiment étriqué et faux de croire que nous décidons. Nous ne sommes là que pour justifier le récit, lui donner sa seconde profondeur, celle de cette ombre que nous voyons et que les mafieux ne voient pas.

Le jeu d'acteurs est assez formidable. Un Viggo Mortensen juste grandiose. Il donne une vraie dimension à son personnage, malgré le fait que ce personnage entre dans ses codes, dont il ne sort pas beaucoup. Rien d'exceptionnel pour lui, mais quand même un rôle complexe à soutenir et à approfondir. Il donne une dimension à son personnage. Naomi Watts j'ai pas été convaincu par contre, c'est un peu gnangnan, alors c'est le personnage qui veut ça, mais d'elle même elle en rajoute. Pour Vincent Cassel c'est du tout juste, vraiment toujours aussi bon, il sort une prestation qui ne démérite pas de l'ensemble. Et derrière la bêtise de son personnage il donne une réelle crédibilité à ce dernier, ce qui est pas gagné, ne transformant pas son personnage en caricature, mais dans en un imbécile dont on pourrait presque s'apitoyer. Le reste du casting est bon, donnant dans la direction d'acteur un bon panel d'acteurs de qualité et très capables.

La réalisation est très très bonne, une qualité indéniable et difficilement égalable. Malgré de la sobriété empreinte de classique, on reconnaitra la patte Cronenberg. Reconnue par quelques éclairages, mises en situation, continuité des mouvements, grain réaliste, mais aussi une certaine réduction du plan, beaucoup de proximité, beaucoup de regards, surtout des plans fixes peu mouvants, mais brillamment orchestrés. Une profondeur de plan qui se caractérise en fait dans les personnages et leurs propos. Une réalisation qui se veut en fait symbole d'un aboutissement, une totale maîtrise en fait de son sujet. Une maturité cinématographique de qualité, une réalisation léchée et scintillante, de la noirceur et du corrosif assumé.

Quelques défauts cependant, et oui. Naomi Watts, que j'apprécie beaucoup, je l'ai trouvé très fade. Autre reproche, parfois on aimerai avoir un soupçon d'informations, peut être un peu plus de suspens. Mais c'est le style du film. En fait la maîtrise globale du film en est presque frustrante. Car sans surprise, sans réelle originalité. On ne cherche pas à anticiper les évènements on sait qu'ils vont arriver. C'est gênant, Cronenberg nous garde sous sa coupe.

Malgré ces quelques reproches, un film très propre, quasi sans imperfections. Qui allie fluidité et densité. Qui évite les pièges du "j'en fais trop", qui ne joue pas avec nous, mais nous garde plutôt comme des enfants en rang devant la salle de classe. On admire le tableau, mais on se fait remballer si on veut dire quelque chose, car tout arrive comme du. Cependant un classique du genre et un vrai Cronenberg, avec un léger manque de personnalité peut être mais reconnaissable. Très bon film.
TheDuke
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de mafieux

Créée

le 14 mars 2013

Modifiée

le 14 mars 2013

Critique lue 325 fois

2 j'aime

1 commentaire

TheDuke

Écrit par

Critique lue 325 fois

2
1

D'autres avis sur Les Promesses de l'ombre

Les Promesses de l'ombre
Cultural_Mind
8

Le jeu des familles

Il suffit à David Cronenberg de deux scènes inaugurales pour injecter dans Les Promesses de l'ombre ce qui constituait l'essence de son chef-d'oeuvre A History of Violence, sorti deux années plus...

le 10 août 2017

39 j'aime

Les Promesses de l'ombre
Lazein
6

White russian

Sage-femme, Anna assiste la naissance d'un bébé qui échange sa vie contre celle de sa mère adolescente. Déterminée à établir l'identité de la jeune junkie défunte et trouver un lien familial pour...

le 22 nov. 2013

39 j'aime

9

Les Promesses de l'ombre
Buddy_Noone
8

L'homme illustré

Après La Promesse des ténèbres (roman de Maxime Chattam) et La Prophétie des ombres (film de... je sais plus), voici Les Promesses de l'ombre, qui n'a absolument rien à voir. Anna (Naomi Watts),...

le 6 oct. 2014

22 j'aime

8

Du même critique

Baxter
TheDuke
8

Quelle vie d'humain!!!

Un modèle du genre. Alors quel genre? Ben je ne saurais pas dire. Mais ce genre de film où un facteur fantastique ne trouble pas la réalité dramatique des évènements. Une vraie bouffée d'air frais...

le 16 févr. 2013

20 j'aime

3

Gangs of New York
TheDuke
9

Épique

Une fresque épique, une virtuosité scénaristique, musicale, picturale et une main de maître dans la direction d'acteur. L'équation de la méthode Scorsese, comment donner un souffle épique et...

le 21 juin 2013

19 j'aime

4

The Descent : Part 2
TheDuke
2

Descente à la cave: le retour de la chipo tueuse

En voulant faire un jeu de mot je vais dire que je vais descendre ce film tout moisi. Parce que autant le premier était largement appréciable, là c'est carrément une catastrophe. Une trahison. Comme...

le 10 mai 2013

13 j'aime

4