Charles van Bert,patron d'une grande entreprise de parfumerie,réunit comme tous les ans en séminaire les cadres de la société dans son château situé dans le Midi.Mais cette année c'est particulier car le boss est centenaire et doit désigner son successeur au poste de direction que convoitent tous les invités.Voilà un Mocky assez atypique en ce sens qu'il est écrit et filmé d'une manière classique et maîtrisée fort éloignée du bordel anar habituel.JPM cumule comme d'habitude les postes,réalisateur,monteur,scénariste,dialoguiste,mais il est cette fois entouré de solides professionnels,notamment l'écrivain Patrick Rambaud qui a coécrit le film avec lui,le chef-op William Lubtchansky qui signe une photo lumineuse,l'assistant roumain Radu Mihaileanu qui a entamé une carrière de réalisateur à partir de 93 ou le musicien Gabriel Yared dont les compositions élégantes rompent avec le tintamarre d'ordinaire de mise chez Mocky.Le cadre magnifique du château héraultais de Lavagnac et de ses environs sert donc d'écrin à cette satire acide des moeurs bourgeoises et du monde de l'entreprise,rappelant un peu "Que les gros salaires lèvent le doigt",d'autant que Jean Poiret est présent dans les deux films,ou "L'invitation",avec déjà Jean-Luc Bideau.La voracité et les manoeuvres dilatoires d'une bande d'ambitieux déchaînés se donnent libre cours mais cèdent peu à peu la place à une ambiance d'obsession sexuelle torride.Rarement JP a-t-il tourné un film aussi ostensiblement axé sur l'érotisme,et pourtant on a rarement vu aussi peu de nudité dans une de ses créations.Dialogues salés,multiples scènes de drague et de coït,mais un filmage académique qui s'arrange pour ne rien cadrer d'indiscret,ou très peu.Les mouvements d'appareil sont sobres mais d'une fluidité et d'une qualité inusitées chez le cinéaste,qui prouve ici que s'il en a la volonté et les moyens,il est parfaitement capable de livrer une mise en scène de belle facture.Le script s'égare parfois mais ce n'est pas étonnant au vu de la multitude de personnages,dont les déplacements et les mises en situation sont finalement bien gérés en une sorte de ballet réglé avec précision au gré des entrées et sorties de tout ce beau monde.Car il y a ici une distribution d'un luxe inhabituel dans le cinéma de JP,ce qui explique certainement la timidité des scènes de cul.On déploie là une noria d'acteurs renommés qui sont mis dans des situations scabreuses et à qui on fait dire des dialogues plutôt osés,on n'allait pas en plus exhiber leurs anatomies.Parce que Mocky et Rambaud n'y vont pas avec le dos de la cuiller,qu'on en juge:Jacqueline Maillan raconte des cochonneries à des inconnus au téléphone rose pour pallier sa frustration d'avoir un mari impuissant,Jean-Pierre Bacri filme en cachette sa femme Fanny Cottençon en train de se faire prendre par des petits jeunes,Eva Darlan se fait masser intimement par la cuisinière du domaine,Stéphane Audran et Sylvie Joly sont accros aux vidéos porno,Darry Cowl est un vieux pédé qui courtise les jeunes employés du château,Roland Blanche est un type vulgaire qui sort volontiers des biftons de ses poches pour convaincre les filles de coucher avec lui,Bernadette Lafont dort avec sa fille pour préserver sa virginité et c'est elle qui reçoit par erreur les hommages du prétendant qui s'est introduit nuitamment dans la chambre,Judith Godrèche et une autre adolescente se font des mignardises,Richard Bohringer encule Bernard Menez dans la garrigue et le berger Antoine Mayor baise ses chèvres.Même les gamins reluquent les filles qui prennent des bains de soleil à poil et obligent les hommes à déballer leurs zgegs pour voir si les leurs sont à la bonne taille.On le voit,tout y passe,adultère,homosexualité,voyeurisme,zoophilie,prostitution,dans une joyeuse farandole gouvernée par les leviers éternels de l'Humanité,le sexe et l'argent.Les saisons du titre font référence aux âges divers des protagonistes,qui doivent adapter leur sexualité à leur horloge biologique,les plus vieux ayant tendance à rechercher la compagnie des plus jeunes.Tout ceci est in fine relativisé par un élément susceptible de recouvrir tout ça,une centrale nucléaire voisine dont les fuites radioactives vont probablement mettre fin à tous ces problèmes amoureux,financiers ou sociaux.Les patriarches,choqués par ces comportements pas de leur époque,sont incarnés par Charles Vanel et Denise Grey,qui n'étaient pas tout-à-fait centenaires,le premier ayant alors 96 ans,ce sera son dernier film,et la seconde,dans son avant-dernière apparition ciné,92.Vanel mourra en 89, peu après la sortie du film.Tous les comédiens jouent le jeu à fond,avec réussite pour la plupart d'entre eux,si l'on excepte une Maillan très décolletée qui en fait toujours trop pour être dans le ton juste.Poiret est royal en magouilleur cynique,Bideau fantastique en affairiste détaché et cool,Cowl plutôt émouvant en homo vieillissant,Bacri subtil en mari vicelard,Cottençon adorable en épouse prête à tout pour sauver son couple,Darlan torride en mal baisée reconvertie dans le saphisme,Lafont tranchante en mère abusive obsédée par l'hymen de sa fille,Blanche glauque à souhait en sous-fifre frustré,Bohringer et Menez hilarants en militaires à voile et à vapeur,Audran et Joly très dynamiques en chaudasses sur le retour.Si Mocky a mis la pédale douce sur les particularités physiques et les déguisements baroques qui sont sa marque de fabrique,à part l'uniforme bizarre de Jean Abeillé,il a réuni pour occuper les seconds rôles ses meilleures trognes,qui n'ont pas besoin d'accessoires pour imprimer la pellicule,du strabisme d'Abeillé à la gueule cassée de Mayor en passant par la calvitie de Dominique Zardi,la tronche d'albinos de Moïse Partouche,le visage émacié d'Hervé Pauchon ou la grande taille d'Olivier Hémon,tandis que Sophie Moyse en sexy vulgaire tapageuse et Jean-Claude Romer en secrétaire-comptable ultra fayot signent de grandes performances.

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le 28 août 2022

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