Avec Chien enragé et Entre le ciel et l'enfer, Les Salauds dorment en paix fait partie des (trop) rares films noirs tournés par Akira Kurosawa. Et pourtant, le cinéaste japonais excelle dans le genre, mettant en musique avec maestria les ingrédients du genre : le sens du cadrage et de la mise en tension, des personnages contrastés et ambigus, un scénario à la fois simple et profond, une sobriété au service de la dramaturgie.
Adaptation lointaine de Hamlet, le film de Kurosawa est une histoire de vengeance et de rédemption, portée par des acteurs au sommet de leur art, à commencer par l'incontournable Toshiro Mifune, surprenant par son mutisme et l'intériorisation de ses sentiments, mais aussi avec Masayuki Mori, impressionnant dans le rôle du parfait salaud, ou encore Tatsuya Mihashi, touchant par la flamboyance et la naïveté de ses sentiments.
La récente restauration du film rehausse davantage la précision redoutable de la mise en scène de Kurosawa qui enchaîne les séquences mémorables (la scène introductive du mariage sous les regards amusés de la presse ; la fuite désespérée de l'un des salauds dans des ruelles plongées dans le noir ; le regard sans fond d'un père n'osant plus faire face à la cruauté de ses sentiments). Si le film peut tirer en longueur (il dure 2h30 tout de même), le final est profondément marquant et classe le film parmi les classiques du genre.