On dit toujours que c’est la première impression qui compte, et bien Les Seigneurs du Ghetto démarre fort dans le genre. Ice-T nous apparaît dans un brasier, ultra vénère et remonter contre les dérives de la rénovation urbaine. L’artiste nous livre un pamphlet où il se met à tirer à balles réelles sur le gouvernement et les flics corrompues qui profitent de la mauvaise gestion des fonds pour s’en mettre plein les fouilles. Ce capharnaüm permet surtout aux brutes et aux gangsters d'imposer la loi du plus fort dans ces quartiers ravagés par la drogue où l’avenir n’est que prostitution, bicrave et crimes organisé accentué par des subtiles nuance de gris et des filtres bleutées digne d’un polar de Michael Mann. N’allez pas pour autant imaginer que le père Pyun en soit un véritable disciple ou puisse décemment s’y mesurer d’autant que le discours social et engagé n’est que l’arbre qui cache la forêt puisqu’il ne se limite qu’à dénoncer comme le RN (« La Rénovation urbaine, c’est de la merde » dixit Ice-T) pour mieux se vautrer dans la fange des règlements de compte à couteaux tirés dans une vieille usine désaffectée, ou aux concours de bite entre négros sapés comme Wesley Snipes dans Blade (le film été sorti un an plus tôt). Il y a d’ailleurs un putain de sentiment de déjà vu avec ces plans volés de Détroit qui servaient déjà de transitions dans Corrupt ou bien sa fusillade type impasse mexicaine que le réalisateur reprend pour étoffer la dimension de cette jungle urbaine. Evidemment ce n’est pas un hasard si ces deux productions se ressemblent tellement puisqu’elles ont été tournés dans le même laps de temps avec une troisième (Guerre des Gangs), dans le froid hivernal de la Slovaquie où le décor de friche industrielle servait de cadre commun.


L’argument de vente ne repose que sur son casting prestigieux de stars du rap US, sur sa bande son musical d’Ice-T qui sert d’ailleurs à meubler tout le film et qui fini très rapidement par nous taper sur le système, mais surtout sur la violence que promeut ce genre de DTV, que l’on espère aussi virtuose, désinvolte et rentre dedans que dans un John Woo ou un Kinji Fukazaku. Au final rien de tout cela et ce malgré les belles promesses de son introduction délirante où le producteur (Ice-T) nous parlait de chattes, de bite, de baiser, de mutilation, et de mecs en feu, même s’il est vrai qu’il y a bien une immolation ou deux dans la trilogie, calmer vos ardeurs cela dit c’est en CGI... En revanche, les insultes sont bien présentes, mais cela ne suffit évidemment pas à relever le bouzin. N’est pas Tarantino qui veut, et il ne suffit pas de débiter des insanités au micro ou à l’écran pour devenir dialoguiste surtout quand les acteurs se limitent à débiter mollement leur texte sur-explicatifs pour se comparer à des PDG de FMN, ce qui fait que l’excitation finit par retomber aussi sec qu’une bite recroquevillée par le froid. On comprend assez rapidement que le réalisateur a du jongler avec les emplois du temps de chacun quand ces derniers daignés venir carrément sur le tournage, ce qui est déjà moins certain dans le cas de Fat Joe et son compère monolithique Big Pun généralement filmé en gros plan. On peut le comprendre puisque ce dernier a bien du mal à bouger son gros cul décharné, si bien que l’artiste mourra d’ailleurs d’un infarctus à peine un an plus tard. Les deux acteurs campent des vieilles badernes de la mafia qui finiront par subir la loi du talion infligé par Snoop Dogg visiblement très remonté pour se venger de l'incendie de sa paroisse, et qui se met à prêcher la bonne parole à l’arme blanche (même couteau que dans Corrupt, ça tombe bien) et aux 9 mm en tirant n’importe comment dans le tas avec des ogives téléguidés parce que c’est aussi cela, la magie du cinéma ou bien est-ce peut-être grâce au pouvoir de Dieu.


Le plus dommageable, c’est que Ice-T ne joue pas dans le film et ce bien que l’affiche nous vende le contraire et alors qu’on se prêtait à rêver d’une confrontation avec Snoop Doggy-Dogg. Ce dernier n’a d’ailleurs été présent qu’un seul jour à l’occasion de sa tournée musicale à Vienne, ce qui explique que l’acteur soit souvent filmé encapuchonné tel un ange exterminateur fantomatique qui élimine du truand à la chaîne, à la manière d’un Zatoichi de la cité sans jamais laisser une seule trace de sang. C’est évidemment bien trop propre et avare en séquence gore ou en meufs dénudées, il n’y a d’ailleurs que des mecs, et on verra jamais leurs grosses teubes bien qu’ils se vantent tous d’être née gâtés… Ces petites productions ont un côté très enfantin qui nous rappelles certains collégiens que nous avons tous connus, les mêmes qui se prenaient pour des gangsters afro-américains dans la cour du bahut en écoutant du TuPac et du 50 cent, affublé de baggy et de snapback. Ça se limite donc le plus souvent à des gros stéréotypes et descriptions lacunaires. Pas assez transgressif, Les Seigneurs du Ghetto plaira sans doute aux nanarophiles compulsifs plus qu’aux bisseux ayant eu espoir de voir des gros black souillés de la blanche de bonne famille. Moralement le film est assez discutable et sert surtout de véhicule promotionnel mal dégrossis pour les albums et à cet égard il y a d’ailleurs une version musicale du long-métrage en bonus, sans dialogue, pour celles et ceux qui aime bien tirer sur le bédo et qui n’auraient certainement rien de mieux à foutre de leur vie. Snoop Dog se prend vraiment pour un samurai des temps modernes qui chercherait à nettoyer la banlieue tout en faisant l’apologie du crime et des brutes qu’ils condamnent, du genre «  j'accomplis la vengeance du tout puissant, et si je bicrave, je fais quand même le ménage dans mon quartier pour éviter de pervertir la jeunesse et leur donner de l’espoir ». Seulement il ne suffit pas de porter un tel discours en making of pour se racheter une crédibilité, pas plus qu’à Albert Pyun d'ailleurs qui n’est jamais tombé aussi bas dans sa carrière. Paraît qu’une partie des rushs auraient été altérés avant le montage mais cela ne saurait néanmoins sauver l’honneur d’un réalisateur qui est passé des lumières de la série B (Dollman, Nemesis) au ghetto de Bratislava.

Le-Roy-du-Bis
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le 8 févr. 2024

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