Deux soeurs travaillent dans le quartier réservée des prostituées, Gion. Umekichi, l'aînée, s'estime redevable envers ses clients. Omocha, jeune et veinale, veut intriguer pour les pressurer au maximum.


Umekichi reçoit chez elle un ancien bon client ruiné, Furusawa, qu'elle traite avec beaucoup de tendresse alors qu'elle est dans la dèche. Omocha, elle, multiplie les intrigues. Elle enjôle Kimura, un commis pour qu'il offre à sa soeur un kimono de luxe. Avec, Umekichi peut faire la parade, au cours de laquelle elle ramène Jurakudo, le marchand d'estampe.


Au lieu de le ramener chez lui, Omocha le convainct de lui donner 100 yens : elle fera déguerpir Furusawa et il deviendra le protecteur d'Umekichi. Mais la fraude du commis amène son patron, un homme dur, à venir récupérer l'argent du kimono. Omocha parvient à l'enjôler et en faire son protecteur : à elle les restaurans de luxe et la mode américaine. Mais toutes ses intrigues lui retombe dessus quand Kimura, de passage chez Umekichi, lui annonce que Furusawa a seulement déménagé et vite dans la déchéance chez son ancien commis. Umekichi le retrouve et l'assure qu'elle n'a jamais voulu se débarrasser de lui. Kimura, de son côté, découvre que son patron est devenu le protecteur d'Omocha : il en prévient l'épouse bafouée, et attend Omocha pour se venger : il la fait monter dans un taxi, et la lâche en route : elle revient infirme, ou en tout cas salement amochée chez sa soeur, qui lui explique qu'elle n'aurait pas dû jouer avec les sentiments des hommes. Mais Umekichi apprend de son côté que Furusawa a décidé de rentrer chez sa femme et regagner une position, sans aucune gratitude pour celle qui l'a consolée : la geisha en est gravement atteinte. Le film se clôt sur une Omocha en larme, criant sur son lit de douleur : Pourquoi existe-t-il un métier comme celui de geisha ?


Le premier plan, est long travelling latéral sur une vente aux enchères, frappe par son réalisme âpre et son élégance.


J'ai trouvé ce film très pensé, car on prend pendant tout le film Omocha pour la méchante vénale, pour se rendre compte, dans la dernière minute, que sa méfiance vis-à-vis des hommes n'est pas si erronée qu'il paraît. De fait, ce film est véritablement accablant pour les clients des prostituées : on a droit à une brochette d'hommes faibles, frustrés, qui pensent pouvoir donner satisfaction à leur lubricité par l'argent, et dont il est facile de se jouer. C'est sur eux que Mizogushi pointe le doigt plutôt que sur les prostituées. On retrouve un personnage fort noble avec Umekichi, même si ses efforts se révèlent ici vains, ce qui fait des Soeurs de Gion un fillm âpre, ce que renforce un style mêlant élégance, sobriété et réalisme. Le film est assez statique, malgré quelques scènes de rue bien vivantes (et quelques décors impressionnants : le restaurant de luxe dominant la ville ; le canal ; les ruelles autour de l'appartement d'Umekichi). J'aime bien aussi le plan où Umekichi installe sa soeur sur son lit derrière un paravent : quelques secondes de silence correspondent au moment tendre nécessaire à des gestes qui pour nous restent invisibles.


Encore un bon Mizoguchi, j'aurais décidément bien tardé à découvrir ce réalisateur.

zardoz6704
8
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le 1 mai 2016

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zardoz6704

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