Après avoir rangé temporairement son sens du burlesque dynamité pour mettre la chance de son côté durant 24 heures, Alex De La Iglesia ressort du fond de son tiroir ses boites de smarties® qui font rire. L’effet est immédiat, et comme pour s’excuser d’avoir déposé les armes d’un cinoche propulsé à la strychnine le temps d’un film, l’espagnol ouvre en grand les vannes de la cabriole cinématographique et délivre une fable faite de sorcières castratrices on ne peut plus généreuse.

Et si parfois le cinéaste va un peu loin, peinant même à assumer ses plus folles idées par des moyens visuels un peu limités —les sorcières qui volent et rampent aux murs, c’est un peu ambitieux pour le coup —, comment lui en tenir rigueur alors qu’on imagine très bien les discussions passionnées à l’origine de toute cette démesure. Les sorcières de Zugarramurdi, c’est du pur De La Iglesia, chaque parcelle de son film est caractéristique de son cinéma, de son envie d’aller toujours plus loin dans le burlesque nourri aux artifices visuels toujours plus frapadingues.

Près de 2 heures séparent le premier acte, un braquage surréaliste perpétré par un Jesus argenté fort en burnes, du dernier, qui voit une farandole de vilaines dames énervées abattre avec violence l’ultime bride d’une créativité sans bornes, et à aucun moment De la Iglesia ne tempère son envie de tailler le mythe de la sorcière au marteau-piqueur. Et pour marquer définitivement son envie de mettre toute intention de bonne morale au rebus, il nappe son mythe zugarramurdien d’une vision acide et caricaturale de la relation homme femme au 21ème siècle. Une inversion des rôles archaïques du mariage, qui prend la forme de femmes très décidées qui dévorent littéralement leurs maris, ces dernies étant assimilés à un tas de machos apeurés qui se planquent derrière les œillères de leurs certitudes.

Alors oui, la sauce semble par moment un peu trop pimentée mais qu’il est bon de voir qu’il existe encore des auteurs qui ne font que peu de cas de la bienséance, fonçant tête baissée dans leurs projets les plus casse-gueules. De La Iglesia est un cinéaste entier, son univers est fait de démesure, d’humour parfois gras, d’acteurs qui en font des tonnes, de tics graphiques dans tous les sens. Bref, un cinéma généreux, qui inspire la sympathie. Une bonne humeur également inspirée par le côté bon enfant que véhicule sa fidèle troupe, celle qui le suit de projet en projet, et au sein de laquelle sa sublime muse, Carolina Bang, tient une place de choix.

Dans la ligne directe de toute sa filmographie, ou presque, De La Iglesia confirme avec Les sorcières de Zugarramurdi qu’il aime son métier, entretient ses références, et s’amuse comme un gamin. Divertir, créer, aller au bout de ses idées, semble être son crédo, et bien moi, ce genre de leitmotiv, ça me cause. Beaucoup même !
oso
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le 14 janv. 2015

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oso

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