On pourrait, à première vue, se réjouir de la tentative de concilier science-fiction, comédie romantique et réflexion sociétale dans Les Temps changent, film mexicain dirigé par Chava Cartas. Hélas, cette promesse, aussi séduisante que le voyage entre les âges, se dissout rapidement dans les limbes d’un discours aussi didactique qu’un séminaire universitaire sur le genre, tenu au beau milieu d’une garden-party.
Le voyage dans le temps, utilisé ici comme un artifice narratif à peine maquillé, n’a d’autre fonction que de transporter deux personnages d’une époque à une autre pour servir une démonstration idéologique. Il ne s’agit pas de jouer avec les fils du temps, ni d’en explorer les conséquences ; il s’agit simplement de juxtaposer deux systèmes de valeurs, avec toute la subtilité d’un tableau comparatif PowerPoint.
Hector et Nora, projetés de 1966 à 2025, ne sont pas des figures tragiques confrontées au vertige du changement : ce sont les marionnettes d’un discours militant, les pantins d’un message que le film martèle avec la subtilité d’un tract syndical glissé dans un roman de Tolstoï. Le conflit conjugal, qui aurait pu explorer les tensions profondes entre amour, évolution et autonomie, est réduit à une dialectique binaire entre un passé rétrograde et un présent supposément éclairé, sans nuance, sans paradoxe, sans véritable conflit dramatique.
Lucero, dont la présence aurait pu insuffler une certaine profondeur à Nora, se débat avec un scénario qui préfère l’exposé à l’émotion, la thèse à la trajectoire. Chaque scène ressemble à une démonstration, chaque échange à un argument. Ce n’est plus du cinéma : c’est un exposé en costumes, avec effets spéciaux anecdotiques en prime.
Le film entend prouver que "les temps changent". Soit. Mais il oublie qu’en art, le changement n’est intéressant que lorsqu’il est vécu, incarné, interrogé. Ici, tout est dit, tout est appuyé, tout est mis en scène pour qu’aucune ambiguïté ne survive. On sort de cette séance non pas bousculé, ni même agacé, mais simplement vidé, comme après une longue conférence où l’on aurait espéré, à tout le moins, qu’on nous raconte une histoire. Une vraie.