Les Tuche 3 me pose un problème d'éthique : comment critiquer ce qu'il est aisé de critiquer avant même qu'on l'ait vu? Ce serait tirer sur l'ambulance que de décrier daube pareille, aussi vrai que l'on s'attendait tous, avec Les Visiteurs : La Révolution, à voir un film de merde. Forcément que ça allait être mauvais, quand on voit la descente qualitative entamée progressivement avec la sortie du second opus. Si le rêve américain devenait cauchemar, ce week end à l’Élysée tourne à la farce forcée mais réelle, représentation parfaite de certains quinquennats controversés.
Au départ, on est navrés de voir ce qu'il est advenu de cette sympathique famille franchouillarde lourde mais attachante, qui, au travers de sa bêtise grasse, parvenait toujours à nous décocher quelque sourire consentant. Et s'il y aura ici l'apparition discrète de rires très légers, nul doute qu'ils seront causés par une nervosité étouffante. C'est à ne pas comprendre comment se contenter de faire un film aussi mauvais sans jamais chercher à l'améliorer d'au moins un gag qui fasse mouche, sans une vanne qui feinte au moins d'avoir été travaillé plus de deux pauvres minutes.
Vous l'aurez compris, critiquer les Tuche est une tâche ardue; outre le fait que cela consiste à fusiller des blessés de guère pour la seconde fois, c'est surtout que le film est à ce point bête et assumé qu'il en devient sincère et sincèrement débile. On est rapidement fascinés par le travail d'Olivier Baroux, qu'on ne saurait trop qualifier de bête ou d'intelligent; n'a-t-il vraiment aucun talent pour nous pondre pareille comédie, ou n'est-ce pas finalement une oeuvre des plus intelligentes qui, après avoir bien cerné les attentes du grand public, lui sert toujours la même daube accompagnée des mêmes gags pas drôles et des mêmes mauvais acteurs, sans qu'aucun travail supplémentaire ne soit jamais fourni?
Absolument stupide, Les Tuche 3 multiplie les idioties (comportement des personnages, manière qu'ils ont d'interagir entre eux, dialogues soit pompeux soit beaufs) jusqu'à s'en tailler des noeuds scénaristiques inextricables, intrigue dans laquelle s'enferme un Olivier Barroux sans le sou qui, par soucis de se payer la dernière Porsche à la mode, vend son manque de talent exacerbé aux pontes toujours plus friqués du mauvais cinéma français.
Alors vas-y que je te prostitue des acteurs à la base talentueux (Rouve et Nanty, deux personnalités des plus attachantes) par des dialogues d'une bêtise hanounienne, avec le soucis récurrent de toujours vouloir plonger plus profond dans l'absurde et le grand n'importe quoi, tout en perdant finalement le semblant de logique du scénario de base. Et aussi ironique que cela puisse paraître, heureusement que Jean Paul Rouve est venu s'y perdre, histoire de rendre plus acceptable ce supplice tenant uniquement sur ses épaules fatiguées.
L'on sent pourtant qu'il n'a plus l'entrain du premier film, que la reproduction de cette recette usée au point de ne plus être comique a emporté sa fraicheur en même temps que le peu de répartie que l'on pouvait trouver dans ses dialogues. Et si l'écriture manque absolument de finesse et de justesse, il vaudra mieux passer outre cette intrigue abracadabrante et bourrée de facilités scénaristiques, le point culminant survenant lors du retour de Theo Fernandez (Donald) dans l'intrigue, mauvais personnage flanqué d'un acteur de pacotille.
Et s'il se bâtit sur un humour absurde, c'est qu'il ne maîtrisera jamais cet exercice de style des plus ardus; et si l'on pourra apprécier le ton léger et familial de ce troisième volet, avec toujours cette naïveté attachante inhérente au personnage de l'ami Rouve, force est de constater que le principe même du film, celui de faire rire son public, se manifeste par l'échec cuisant d'un ennui profond.
Tout est trop gros : le trait est forcé, les vannes amenées à la truelle et constamment soulignées par un panneau clignotant avec écrit : "C'est drôle, rigole, rigole, rigole bon sang !". Perdu dans sa débâcle humoristique, le film de Barroux tente de maintenir son rythme une heure trente durant, histoire de faire plus de recettes que le film précédent en ayant, bien sûr, coûté moins cher.
Prévisible jusque dans ses gags, réchauffé jusque dans ses dialogues, Les Tuche 3 tente de dissimuler le manque d'imagination de ses vannes derrière un effet d'écho aux volets précédents, l'entrain en moins. La recette est erronée, les ingrédients rassis. Comment faire un bon plat, en partant de si mauvais pied? Allons demander cela aux 47,4 millions de spectateurs qui se sont déplacés en salle à l'international, soit record de la saga au box office. Le pire devenant le meilleur aux yeux des producteurs, n'est-ce pas là le reflet du cinéma populaire et mondial actuel?