Un marin démobilisé à la sortie de la guerre a du mal à faire face à la vie civile malgré l'aide de son frère et d'un ami, et surtout, il n'arrive pas à oublier le souvenir d'une femme aimée avant le conflit. Il la cherche dans les rues de Tokyo jusqu'à ce qu'elle croise son chemin.
Actrice chez Mizoguchi, Ozu ou encore Naruse, Kinuyo Tanaka va opérer à 42 ans un changement de carrière en devenant cette fois réalisatrice, la deuxième de l'histoire du cinéma japonais. Ici, elle parle d'un phénomène rarement évoqué, à savoir l'occupation américaine à la fin de la guerre, où des femmes étaient les compagnes de G.I.'s, et qu'elles demandaient réparation quand ceux-ci les larguaient si elles tombaient enceintes. C'est notamment à travers le regard de l'ami du héros joué par Jūkichi Uno qui peut écrire en anglais des lettres de femme éplorées.
Mais il s'agit et avant tout d'un très beau mélodrame, où le personnage principal joué par Masayuki Mori semble vivoter depuis la fin de la guerre et la perte, pense-t-il de cet amour, et celle qu'il aimait donc, incarnée par Yoshiko Kuga, victime d'une mariage arrangé, d'un enfant non désiré, et au funeste destin. La somme de ces âmes brisées va être électrique, à juger leur scène de retrouvailles.
Visiblement, Kinyo Tanaka (qui s'est réservée un petit rôle pour demander à Jūkichi Uno d'écrire une lettre en anglais) a surtout observé comment filmait Naruse, avec cette mise en scène constituée de beaucoup de plans larges, mais aussi l'humanité qui se dégage de tous ces gens. Jusqu'au final qui préfigurerait presque un mélo de Douglas Sirk. En tout cas, dès ce premier film réussi, on voit que c'est une réalisatrice affirmée.