Un écran noir. Une voix. Une histoire.
Le vide de l'image est dilué par le plein des paroles, le plein de vie, qui, déjà, s'imposent aux ténèbres.


Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide: il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit: Que la lumière soit ! Et la lumière fut.


Voici l'histoire somme toute banale d'un père et de sa fille, qui contre vents et marées décident de s'offrir le droit de survivre comme bon leur semblerait. Dans un monde ravagé par la disparition quasi totale du sexe féminin, c'est l'importance donnée à la parole du patriarche qui devient le texte divin, l'essence de ce que doit croire un enfant face à l'unique morale qu'il connaît. Mais qu'est-ce que l'éthique dans un monde privé d'autres voix, si ce n'est une diatribe ?
En ce sens, le film devient l'élève exemplaire du puritanisme à l'américaine tel qu'on le connaît. L'approche plus qu'usée du discours paternel moraliste, envers tout bien contre tout mal, figure comme un vernis qui ne demanderait qu'à être inlassablement gratté, faute de quoi, le message se meurt à nouveau dans sa stérilité, se voulant trop cordial.


La forêt comme artère, la tente comme centre névralgique. Là où la rigidité des arbres offre au cadre très statique la possibilité de rendre ses personnages les prisonniers d'une vie libertaire, le lieu serein devient l'espace tissé par la tente aux couleurs chaudes, comme l'appel de la chaleur du réconfort allant à contre-courant des ruisseaux gelés que traversent les protagonistes. Au même titre la mémoire est aussi lieu de retrouvailles consolantes, même si y trouver l'apaisement n'est pas mince affaire, dans le chaos qui y figure. Plus qu'une projection dans l'avenir, sur ce qui se mourra ou ce qui trouvera rédemption, le film s'inscrit comme un regard sur le passé, grâce à certaines images fortes. Les cadavres côtoient la psyché paternelle autant que n'a de cesse de s'entremêler la tristesse du passé avec le désespoir du futur, c'est l'abdication d'une résolution vers l'avenir.


L'Autre. L'alter, sans ego. C'est l'ennemi, celui qui ne comprend pas, ne sait pas. L'autre représente au sein du film, la menace planante du mal/mâle humain, qui ne saurait s'abstenir de s'auto-détruire, à travers le meurtre résolu de la Femme. C'est pour cette raison même que le père, lui, ne peut se laisser aller à la déchéance, doit mener sa vie comme une bataille, qu'il ne mène pas pour lui, qu'il ne mène finalement pas pour sa fille, mais à plus haute échelle, pour une humanité qui s'éteint. A la hauteur de cet enfant travesti, la caméra prend toujours le parti de montrer ce qui échappe à la vue d'une si jeune personne, qui est-elle dans cette brutalité qu'elle n'explique pas et qui la dépasse ?


Light of my Life est finalement le symbole de la dévotion totale d'un être pour sa progéniture, d'un dieu pour sa création. Perdu dans la signification de ses actes comme perdu dans une routine lestant peu à peu de son sens, seul le don de soi total parviendra à convaincre l'Autre de l'amour que l'on lui porte. L'abandon du corps, meurtri. L'abandon de l'âme laissée choir dans l'enceinte d'une maison salie à jamais. Pour l'instant, rien n'ira plus tant que l'humanité s'abandonnera d'elle-même.


Dieu vit que la lumière était bonne; et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le premier jour.


L'enfant comme synonyme d'avenir. La fille comme synonyme de futur. L'amour comme synonyme de réussite. Encore faudra t-il dépasser les ténèbres pour s'adonner à la lumière.
Dans la pénombre, Dieu n'aide aucun homme. La violence a encore gagné. Mais aujourd'hui, comme demain, la neige tombe et la lumière rejaillit sur ceux qui le souhaitent bien.

Louis2Sousa
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le 1 sept. 2020

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Louis De Sousa

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