Liliom
6.7
Liliom

Film de Frank Borzage (1930)

Film censuré, oublié, mal compris, Liliom est un film étrange dans la filmographie de Borzage. Deuxième film parlant qu'il réalisa, on sent qu'il tâtonne encore avec cette nouvelle technique : il s'inspire très largement de la diction théâtrale, profitant du fait que le scénario soit une adaptation d'une pièce de Ferenc Molná pour produire un sentiment de distanciation avec le spectateur. Grâce à cela, à un noir et blanc magnifique (on peut remercier la remasterisation du studio Carlotta pour cela), des décors très dépouillés où les personnages, Liliom et Julie, se perdent dans un univers à mi-chemin entre rêve et réalité.

Liliom, incarné par Charles Farrell dont j'avoue avoir été un peu déçue de découvrir sa voix, après l'avoir vu dans quatre films muets de Borzage, est un personnage falot, vaniteux mais jamais mauvais bougre. Quant à Julie, Rose Hubart, actrice de théâtre, remplaçant Gaynor en froid avec la Fox, elle a ici le seul grand rôle de sa vie et dégage une certaine sérénité mélancolique.

L'histoire a le charme d'un conte tragique en trois actes, marqué par les différentes ellipses temporelles : Julie, partie à la foire de la ville avec une amie, retrouve Liliom, bonimenteur de manège avec qui elle avait déjà flirté précédemment. Elle choisit de rester avec lui, et donc par là même de perdre son emploi de bonne. L'employeuse du manège, jalouse, congédie aussi Liliom, les condamnant à vivre aux crochets d'une tante jusqu'à ce que Liliom décide de faire quelque chose d'insensé pour subvenir à ses besoins.

Et c'est là que cela devient intéressant, au deux tiers du film (mais comme ce qui m'a le plus plût c'est de me faire surprendre par la tournure de l'histoire, vous n'êtes pas obligés de lire ce qui suit) van : Liliom se suicide pour éviter de se faire attraper par la police après avoir tenter de voler le comptable de l'usine d'à côté pour pouvoir se payer un aller simple pour l'Amérique. Et là, le film tombe dans le fantastique et le surréalisme, un train venu du ciel arrive littéralement dans la pièce pour venir le chercher, où chacun de ses compartiments est dédié à une catégorie de personnes (les suicidés, les meurtriers...) où Liliom parvient à négocier de pouvoir revenir sur terre après une mise à l'épreuve.

Tout le film est construit sur cette opposition entre la vie et l'au-delà, mais il renverse la traditionnelle association entre le jour synonyme de vie et la nuit symbole de la mort.
Au contraire, toutes les scènes de la vie terrestre sont plongées dans l'obscurité uniquement éclairées par la lumière artificielle de la foire ou celle des cierges mortuaires. Au contraire, l'au-delà est lumineux, rempli de nuages et de chemins de fer (oui, parce qu'ils voyagent en train et les anges sont en costume-cravate et en uniforme de gendarmes avec seulement de petites ailes dorées. Quant à l'ange Gabriel, je vous laisse découvrir à quoi il ressemble). Mais les deux mondes ne sont pas complètement séparés et Liliom pressent sans pouvoir l'expliquer les passerelles qui les joignent.

Bref, Liliom est une curiosité à redécouvrir avec une morale un peu douteuse (mais je ne vais pas tout raconter non plus) et je remercie Raisin_ver de m'avoir permis de le voir.

Socinien
8

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le 15 août 2011

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