Je ne comprends pas…
Ah ça non : je ne comprends vraiment pas.
Je ne comprends pas l’engouement de la presse pour ce Limbo.
Je comprends encore moins qu’une bonne partie de mes éclaireurs aient partagé cet enthousiasme là au point de me recommander ce film.
Mais pourquoi ?
Bon d’accord, c’est vrai que ça fait du bien de revoir du bon vieux polar hongkongais à l’ancienne dans les salles. Et puis c’est clair que ce n’est pas moi qui vais cracher sur cette maitrise formelle évidente.
Cette photographie dispose à elle seule de son petit charme. Rien que cette introduction à base de noir et blanc classieux, de lumières urbaines tournoyant tel un ballet mécanique, le tout sous une petite pluie nocturne ruissellant de partout, ça a son petit pouvoir d’envoûtement.
Bien sûr que ça joue des clichés pleine balle, mais, après tout, pourquoi pas ? Jouer la carte d’un retour aux classiques, ça peut avoir aussi son intérêt, surtout en cette époque en pleine perte de repères.
C’est d’ailleurs pour ça qu’au départ je n’ai trop cillé quand j’ai vu que ce Limbo était en train de sortir d’emblée son duo suranné de buddy movie. Franchement, j’étais prêt à jouer le jeu…
…Mais bon, au bout d’un moment il faut quand même savoir se rendre à l’évidence. Comme dirait l’autre, « quand ça en le goût et quand ça en a l’odeur… »
Parce que bon, moi je veux bien que ce Limbo soit plastiquement propre, mais j’aurais envie de répondre à ça que, d’une part, ce n’est pas parce qu’on est entouré d’immondices au quotidien que soudainement la propreté deviendrait du génie. Et puis, d’autre part, il s’agirait aussi de ne pas oublier qu’une plastique, ce n’est qu’une composante parmi d’autres d’un film. Or, moi, quand je considère Limbo dans son ensemble, j’avoue que, pour l’essentiel, je l’ai quand même trouvé fort grossier, et cela dans tous les sens du terme.
Non mais franchement, c’est un festival.
On a donc déjà, de base, ce duo de flics opposés jusqu’à l’extrême, avec d’un côté le vieux cabossé tout crade, bien violent, mais qui a un instinct hors pair tandis que, de l’autre, on a le jeune tout propret, tout sage, et bien dans la procédure.
A ça Limbo te rajoute une belle couche de clichés à base de trauma-famille-vengeance pour l’un et de crise de dents de sagesse pour l’autre (admirez la subtilité du symbole), et il te plonge tout ça dans une intrigue de serial-killer / mutileur / fétichiste / fou / étranger qui sera un bon prétexte à toute une série de scènes gratuites et racoleuses.
Et d’ailleurs, c’est surtout ça qui, au fond me dérangerait le plus dans ce Limbo. Outre l’ennui profond qu’a suscité chez moi ce film de par son incapacité sidérante à produire un élément narratif un minimum original susceptible de générer chez moi un iota de curiosité et d’intérêt, il m’a surtout pas mal consterné de par son goût manifeste à se vautrer dans la fange, et cela sans avoir peur pour cela d’y aller chaussé de gros sabots.
Ah ça ! Ça coche vraiment toutes les cases du film racoleur à deux balles. Ça passe son temps à maltraiter son actrice qui se fait frapper, ligoter, museler, le tout dans un petit juste-au-corps bien collant et bien mouillé. Ah ça ! Qu’est-ce que ça gémit ! Qu’est-ce que ça supplie ! Qu’est-ce que ça se dandine !
…Et puis on te trempe tout ça dans des monceaux d’ordures dans lesquelles les acteurs passent leur temps à se rouler jusqu’à l’excès.
« Ah mince ! Mon arme est tombée à terre ! Vite ! Déversons ces sacs entiers de couches sales et de canettes à moitié vide ! Aaaaah non ! C’est dégoooooûtant ! Vite un autre sac ! Aaaaaah je m’en mets partout ! Mon beau costume ! Vite ! Roulons-nous par teeeeeerre ! »
Le titre annonçait une excursion dans les limbes de HongKong. Au final, j’ai davantage l’impression de m’être retrouvé malgré moi à surnager dans un dépotoir cinéphilique où on avait jeté là tous les gimmicks les plus usés de polars / thrillers / films d’horreur périmés depuis vingt ans.
Alors soit, c’est vrai que, par-dessus tout ça, Soi Cheung nous a déversé son joli verni de cinéma noir hongkongais, mais à un moment donné, un verni ne reste qu’un verni…
Certes, le noir et blanc n’est généralement pas la couleur qu’on associe d’habitude à ce genre d’odeur, mais à croire qu’aujourd’hui, même avec le noir et blanc, tout fout le camp…