À la fin des années 1960, Agnès Varda (Les Cent et une nuits de Simon Cinema), accompagne son mari Jacques Demy (parti pour le tournage de Model Shop) en Californie. Elle passera plus de deux ans à Los Angeles où elle tourne Lions Love, avec les deux créateurs de la comédie musicale Hair et un modèle prisé par Warhol. Ces vedettes vivent (et baisent) à trois et ont tous une chevelure de lion. Agnès Varda trouve en eux des emblèmes de la contre-culture, du flower power, du pacifisme et les met au centre de son non-film – elle se qualifie pour l'occasion de « documenteuse ».


Il aurait mieux valu mentir sur le fond que de slaloomer entre les catégories. C'est le règne du n'importe quoi amorphe et no limit, on enfile des costumes de bouffons gender-fluid, on est nus à la première occasion, parfois on laisse se pointer de petites crises ou des laïus imitant très mal l'engagement, la subversion ou la gravité. Bref on passe d'une occupation débile et un délire léger à l'autre, sans but autre que la recherche d'une nouvelle expérience individuelle et communautaire. Les enfants sont les bienvenus pour assister à leurs théâtres au fond d'une piscine et profiter des substances récréatives inondant cette villa de Beverly Hills.


Varda est figurante dans son propre film mais également de son propre film. Sa mise en scène contient quelques diaporamas inventifs, de petits accès psychédéliques et blasphématoires (pendant la séquence nude art), mais est complètement dépendante et, sauf pour faire focus, passive. Lions Love est un produit de fasciné puéril, gentil voire servile, devant la pop culture et les animateurs créatifs à la mode de l'époque. À la marge, il est assorti d'un point de vue critique faiblard sur la cynique domination d'Hollywood, les récupérations du monde des affaires en général. Ainsi on verra deux passages avec un trio de producteurs, en train de déblatérer sur ces phénomènes dans l'air du temps qu'ils aimeraient comprendre et capturer ; et la cinéaste 'd'avant-garde' Shirley Clarke au bout d'elle-même car un final cut lui échappe.


Enfin, tout de même, Lions Love envisage un début de conscience de la fin du 'rêve' (cette bauge d'ennui, c'est censé en être un) – ou du moins qu'on ne peut vivre même comme hippie d'élite sans être parfois embêté par des petites contingences, voire rattrapé par la cruauté du monde. Problème : cette brutalité n'est que dans les médias pour eux, comme pour et dans le film (pratiquant le collage en bon cousin de la Nouvelle vague française). Elle n'est que détails et la seule visible est un événement collectif dramatique, l'assassinat de Kennedy – ou une série de gros titres faisant écho aux aléas sociaux. Enfin que peut-on attendre de ces sortes d'esprits 'ouverts' et libres – qui voyant Kennedy à la télé, le trouvent beau, même cool pour les intellos lucides à qui la beauté ne suffit pas !


https://zogarok.wordpress.com/2017/03/05/lions-love-varda/

Zogarok

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