Le western révisionniste dans toute son irrévérence

Résumé et analyse:


Jack crabb est un centenaire vivant paisiblement dans une maison de retraite. Un homme dont le cheminement de sa vie semble avoir coïncidé avec certains événements majeurs d’une époque (la conquête de l’ouest) et aussi les moins documentés. Un jour, Il se voit approché par deux jeunes journalistes curieux qui viennent dans l’espoir de recueillir son témoignage.
Après quelques réticences, il décide enfin de relater son histoire.


Son récit démarre le jour où son convoi familial est attaqué et pillé par une bande d’indiens « Pawnee » hostiles. Rester orphelin avec sa sœur à l’âge de 10 ans, il est recueilli par une tribu de cheyennes (l’une des plus pacifiques), là-bas il évoluera dans un cadre pittoresque remplis de personnages haut en couleurs, en particulier le chef de la tribu « Old lodge skins« , un homme à la fois sage et excentrique, qui prendra notre héros sous son ail et lui servira de guide spirituel; un personnage pour lequel il reviendra au cours de son périple comme un point de repère à chaque fois où il se sentira déboussolé. Mais tant que l’homme blanc et son instinct de destruction rodent dans les parages, cette existence idyllique risque d’éclater à n’importe quel moment. Ce qui arrive d’ailleurs.
Afin de sauver sa peau, il renie son éducation indienne en déclarant qu’il a été kidnapper et qu’il vivait chez eux contre sa volonté.


Suivra alors un processus de réintégration qui se déroulera en cinq étapes:


-D’abord il sera confié à un révérend et son épouse, un couple qui se chargera de son éducation, ayant pour mission de le débarrasser de ces mauvaises habitudes qu’il a pris chez les indiens et de le rendre apte à intégrer le monde civilisé. Comme prévu, ils commencent d’abord par l’initier aux enseignements de la bible puis ils lui apprennent les règles de la bonne conduite et la façon de se tenir en société. Mais l’hypocrisie et la fausseté de ce petit monde bien pensant se met à jour quand il découvrira que derrière cette existence bien réglée et régie par les principes du christ se trouve un homme en proie à une homosexualité latente, et une femme sexuellement frustrée qui s’avère être moins pieuse qu’elle n’en a l’air. Confronté à cette vie dysfonctionnelle qu’on lui propose, il décide d’abandonner ce foyer


-Après l’échec flagrant de cette première tentative d’intégration, il se lie d’amitié avec un charlatan qui l’introduit à l’art minable de l’escroquerie. un imposteur avec lequel il devient complice en vendant des faux remèdes miraculeux à des clients peu futé. Une affaire qui leur apportera un certain succès mais qui ne durera pas longtemps car la supercherie de l’entreprise ne tardera pas à se révéler au public, ce qui déclenchera leur rage et forcera notre Héros à se retirer encore une fois et chercher la fortune ailleurs dans ces terres délabrées.


-Ensuite c’est la voix des armes qui s’ouvre à lui (on est au Far West après tout), devenant un habile de la gâchette semant la terreur dans les saloons, où ses talents de tireur vont finir par attirer l’attention d’un personnage mythique du folklore américain nommé »Wild Bill Hickok » qui lui propose de devenir son partenaire. Une association qui va lui apporter une petite gloire locale; mais la frivolité et le danger permanent liés à cette vie fini par le découragé.


– Se trouvant devant une impasse, il décide d’empreinter un chemin plus traditionnel en épousant une jeune femme suédoise »Olga » et fonde un petit commerce, ce qui créera pour lui une existence domestique plutôt paisible en apparence mais qui finira tout aussi bien par s’écrouler.


-Intégrant les rangs d’une cavalerie de l’armée américaine sous les commande d’un fameux général nommé »Custer », (un personnage emblématique de la guerre de sécession, qui a toujours été montré comme un héros fascinant dans les livres d’histoire et dans les films de western, ici on a affaire à un bouffon total qui n’a aucun sens stratégique et qui prend toujours les mauvaises décisions), la-bas il assistera à certains des massacres les plus sanguinolents commis sur les tribus indiennes. Un spectacle horripilant qui finira par accélérer sa décision de couper définitivement les ponts avec ses origines.


La dévotion religieuse, l’escroquerie et la délinquance, la vie de famille et le délire militaro-industriel sont à peu près tout ce que cette civilisation (auto-proclamée supérieure) a à offrir à son homme.


Tout au long du film, on remarque le contraste entre une civilisation serène, sage et réconciliée avec elle même et la nature, qui vit dans une harmonie et un équilibre total avec les éléments naturels qui l’entourent, et une autre plus paumée, mal dans sa peau, vivant dans un cycle névrotique qu’elle s’est crée en se retirant de la nature, et qui derrière cette envie malsaine d’expansion sur les territoires des autres, se cache un désir insoupçonné d’échapper à elle même et à sa médiocrité.


Little big man c’est l’histoire d’un homme qui a été affecté par les deux mondes, alliant à la fois la grandeur et l’élévation spirituelle de l’un et la petitesse et la mesquinerie de l’autre, d’où le titre du film.


Un film qui derrière ses allures de fresque historique grandiose est au fond une satire pur et dur. Penn opte ici pour une approche décalée dans le traitement de son sujet plutôt qu’une approche solennel et pompeuse, démarrant du principe que la meilleure façon de dénoncer les dérives d’une société et d’une culture est de les tourner en dérision. Se servant de l’humour comme arme de subversion sans pour autant perdre de vue l’aspect grave de certains événements dépeints, notament le massacre des tribus indiennes, en ne montrant aucune réserve lorsqu’il s’agit de montrer l’aspect graphique de certaines scènes d’une violence inouïe, où ni femmes ni enfants ne sont épargnés par la bestialité des cavaleries de l’armée américaine.
Un western qui ne cède jamais à la facilité ou au manichéisme chers à ses aînés, écartant tout aspect héroïque au mythe de l’ouest, prenant le partis pris d’aborder cette période sous un angle plus noir et réaliste, quitte à déranger certains.


Dernier témoin d’une époque qu’on voudrait croire révolue, Jack représente le vestige d’une vérité suprême longtemps bafouée et qui mourra peut-être avec lui.


Conclusion:


L’Amérique s’est longtemps cachée derrière de fausses représentations d’elle même et de son histoire, vouant un amour sans limites pour ses pères fondateurs et un dévouement tout aussi fort pour certaines des valeurs fausses qu’ils représentent; une Amérique qui a opté pour une retranscription historique (officielle) ayant pour ligne de conduite; dans chaque période de sa fondation, écarter tout événement pouvant comporter à leurs yeux quelques détails compromettants et mettre en valeur les prouesses accomplies en les valorisant à l’excès à un tel point que ça frôle l’affabulation et le mensonge.


Le fait qu’il s’agit d’une nation bâtit sur des millions de cadavres appartenant à la population indigène aurait pu hanté chaque personne vivant sur ce sol, mais ce constat effrayant a toujours été atténué par l’idée réconfortante qu’on leur a inculqué (et cela jusqu’à nos jours) qu’un homme moralement et intellectuellement supérieur s’est emparé de ces terres dans le but de les libérer de l’état de sauvagerie dans lequel elles se trouvaient, et pour l’atteindre il se peut qu’il y aurait eu quelques dégâts par ci par là, qui en fin de compte, ne représentaient que de simples dommages collatéraux qui n’auraient pu être évités.


Une idée qu’Arthur Penn à travers son film, vient sérieusement mettre en question.

Salah1R
9
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le 29 avr. 2019

Critique lue 160 fois

Salah1R

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