Little Cheung
7.2
Little Cheung

Film de Fruit Chan (2000)

Dernier film de la trilogie consacrée par Fruit Chan à la rétrocession de Hong Kong à la Chine après Made in Hong Kong (1997) et The Longest Summer (1998), Little Cheung adopte de son côté le point de vue d’un enfant afin d’évoquer ce moment crucial dans l’histoire contemporaine de la péninsule.


On retrouve dans ce film la même fibre humaniste qui traversait déjà Made in Hong Kong et son trio de personnages attachants. Fruit Chan est l’un de ces réalisateurs qui parvient à rendre ses personnages, même les « méchants », un tant soit peu appréciables, puisqu’étant tous dans la même galère. Une impression qui doit beaucoup à sa manière de filmer la métropole hongkongaise, ses quartiers pauvres, sa population immigrée et l’obsession de tout ce petit monde pour la ressource essentielle qu’est l’argent.


L’argent, Little Cheung (c’est le sobriquet du héros) y est « sensibilisé » pourrait-on dire dès son plus jeune âge. C’est à travers lui que se dessinent les contours de son avenir. Perspectives peu reluisantes, jamais très éloignées du monde du crime et des triades qui font régner leur loi sur des commerçants terrorisés. Des criminels au demeurant un peu débiles (déjà dépeints comme tels dans MIHK) que le filou haut comme trois pommes parvient sans problème à duper sans jamais éveiller les soupçons…


Film choral à certains égards, l’œuvre démontre une fois de plus l’aisance de Fruit Chan à jouer sur plusieurs tableaux avec adresse, faisant ainsi l’aller-retour entre une lecture quasi-documentaire de la rétrocession de Hong Kong et la cellule familiale de Little Cheung. L’amitié qu’il noue avec une petite fille clandestine réserve également son lot de beaux moments de gentillesse, teintés d’une certaine poésie désenchantée.


Surnommé ainsi en raison de l’affection de sa grand-mère pour une vedette de la chanson de la péninsule (sur le point de décéder d’une maladie), le petit garçon incarne tout au long du film cette nouvelle génération appelée sous peu à prendre la relève des anciens, omniprésents dans la scénographie urbaine, tantôt comme vieux sages appelant à la tolérance lorsqu’il fait des bêtises, tantôt comme vivants souvenirs d’une époque révolue de chansons, de films et d’insouciance…


Côté réalisation, on sent que le film a un poil plus de budget que MHIK et son légendaire demi-million de dollars HK (environ 50 000€ aujourd’hui), mais Fruit Chan conserve cependant sa vitalité derrière la caméra. Même si les expérimentations sont moins folles, l’image moins nette (il n’a pas encore été restauré), le film n’en demeure pas moins convaincant pour restituer l’impression que l’on regarde l’action se dérouler à hauteur d’enfant.


Le cinéaste parvient en outre à bien mettre en valeur le potentiel esthétique de la ville, malgré que l’on ne voie presque que ses quartiers les plus pauvres. Il se dégage de ce décor atypique et erratique une certaine poésie, toujours tempérée par les nécessités de la vie à laquelle doit faire face Little Cheung et les incertitudes entourant l'existence de son frère.


Il n’est d’ailleurs pas anodin de voir apparaître à quelques reprises des similitudes entre le film et l’œuvre de Tsai Ming-liang, lui aussi attaché à distiller habilement une critique sociale au sein d’une poétique bien souvent « hors-cadre » : les anciennes amours de la grand-mère pour le vieil acteur m’ont ainsi fait penser aux réminiscences mélancoliques de Mao Tien dans Goodbye, Dragon Inn, tandis que la fin du film (qui fait une belle liaison avec MIHK) a de quoi rappeler Les Rebelles du dieu néon, pour son côté « fin inexorable de l’âge d’insouciance ». Un bon moment que je recommande, d'autant plus si vous aviez aimé MIHK.

Créée

le 24 août 2021

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