Once upon a time a Godfather in Miller’s Crossing.

Décidément, Ben Affleck s’obstine dans la raideur : après la brutalité massive et carapace de Batman, sa version badass de Rain Man (Mr Wolf), le voilà qui revient à ses succès d’antan, à savoir l’adaptation à l’écran de Lehane, qui lui avait valu l’assez réussi Gone Baby Gone. Rappelons qu’il avait tout de même eu l’idée de ne pas jouer dans cet opus, stratégie de haute volée qu’il n’a pas jugé utile de reconduire ici. Tant pis.


Monolithique, faux jusque dans sa démarche, pensant que sa carrure (assez étrange, par ailleurs : il semble gros sans l’être vraiment) suffit à lui assurer l’autorité qu’est censé dégager son personnage, le comédien se plante à chaque plan.


On aurait cependant tort de juger l’ensemble du film à l’aune de sa non prestation : ne soyons pas de mauvaise foi, il rate aussi beaucoup de choses en tant que metteur en scène. J’ignore quelle part de responsabilité il endosse dans le scénario et ce qu’il a dévoyé du roman de Lehane, qui m’était tombé des mains en son temps, mais je ne suis pas prêt de le reprendre : cette histoire cousue de fil blanc mange à tous les râteliers, des irlandais aux ritals, des cubains aux blacks, du Klan à la prohibition, des fanatiques religieux à la dénonciation de la guerre, pour finir par se diluer en un brouet insipide sur à peu près tous les domaines. Et ce n’est pas le twist, qui viendra arranger les choses : sa seule fonction semble être d’ajouter dix minutes à un métrage qui semblait déjà bien trop long.


Affleck a une ambition : le classicisme. Puisqu’il n’est pas sans savoir que ce genre d’histoire de gangster, de larmes et de sang a déjà été porté à l’écran cent fois, et en cent fois mieux, il pense pouvoir jouer dans la cour des grands : lumières tamisées, budget costumes et voitures d’époque sans limite, reconstitution à grands frais et cours d’histoire tous les quarts d’heure. Mais rien n’y fait, ça ne prend pas. Il est presque triste de constater à quel point la mayonnaise, cette alchimie un peu magique, tient à peu de choses : ses parrains semblent des poupées de cire, ses donzelles ont le charisme d’une canne à sucre, dans un rythme plan plan qui ne parvient jamais à faire oublier à quel point tout cela est écrit – et laborieusement. Chaque réplique semble être destinée à une bande annonce, le genre de maximes en carton qui tentent de nous faire passer pour de la sagesse les platitudes les plus éhontées.


Il se donne pourtant du mal : jolis paysages (il ajoute même des dauphins, c’est dire), quelques plans-séquences inutilement tarabiscotés, histoire de rappeler que quelqu’un est derrière la caméra, scènes de sexe aussi émouvantes qu’une pub pour les litières, fusillades et courses-poursuite, réflexion sur l’Amérique de la mixitié… Las.


Une seule petite parenthèse laisse espérer la naissance d’un personnage : l’intervention d’Elle Fanning, qui semble pouvoir irriguer le marasme de son charme noir.


Mais elle a tôt fait de comprendre l’univers inepte dans lequel elle évolue et agit en conséquence, par un suicide doté d’un certain panache, qui donne des idées au spectateur : il l’aurait volontiers accompagnée pour mettre fin un peu plus tôt à ses souffrances.

Sergent_Pepper
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Parce que c'était Elle

Créée

le 28 janv. 2017

Critique lue 1.7K fois

64 j'aime

7 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

64
7

D'autres avis sur Live by Night

Live by Night
Docteur_Jivago
5

Danse macabre

Si le film de gangsters est toujours intéressant sur le papier et potentiellement remarquable en vu de ce qui a été fait dans le passé, ça reste tout de même difficile de se lancer dans un genre qui...

le 20 janv. 2017

45 j'aime

Live by Night
Rcan
6

De bonnes idées, de belles promesses, mais un résultat décevant.

Attendu comme un grand film de gangster, le nouveau film de Ben Affleck ne révolutionne malheureusement en rien le genre. "Live By Night" déborde pourtant d'envie, on sent chez Ben Affleck une...

Par

le 19 janv. 2017

33 j'aime

6

Live by Night
Behind_the_Mask
7

Le paradis est ici... Maintenant. Nous y sommes

Depuis que Ben Affleck est passé à la mise en scène, chacun de ses films , dès leur annonce, fait naître en moi une attente rarement déçue. Gone Baby Gone, The Town, Argo, autant de longs métrages...

le 2 févr. 2017

30 j'aime

5

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

765 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

700 j'aime

49

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53