"Un film, ça peut pas être que des belles images." Je sais. Mais il y a des réalisateurs - Perkins, par exemple - pour qui je fais une exception. Car ce mec a un talent rare : celui de savoir créer des images puissantes à la fois belles et angoissantes.
"Longlegs" m'a laissée dans un état de sidération esthétique un peu équivalent à celui que j'ai ressenti à la sortie de "The Cell" de Tarsem Singh. J'avais vu un truc inédit esthétiquement et j'avoue que le scénario avait été le cadet de mes soucis.
Avec un bon directeur-photo, c'est facile de faire de belles images. Mais la beauté des images de "Longlegs" ne résulte pas seulement de la qualité de la photo. Perkins a un sens aigü des éclairages, des couleurs, du cadrage et de la géométrie. Mais ce qui rend les images et l'ambiance uniques, c'est l'angoisse et l'étrangeté du quotidien qui pervertissent la beauté picturale des images. Perkins filme les maisons et les quartiers pavillonnaires comme personne. Avec lui, une maison anodine en plan fixe vous file la chair de poule, sans raison apparente.
Je ne vais pas faire la liste de tous les plans somptueux du film, ce serait trop long. Ce serait plus rapide de lister les plans moches - et aucun ne me vient à l'esprit.
L'ambiance est celle d'un cauchemar feutré, en sourdine, doucement anxiogène. Du coup, les effets horrifiques et violents comme
Cage qui se fracasse soudainement le visage sur un bureau pendant son interrogatoire
ont un effet tétanisant qui va bien au-delà du jump scare. D'ailleurs, Perkins n'a que faire des jump scares. Son truc, c'est l'ambiance creepy, dérangeante, basée sur l'ombre, le silence et une bande sonore inquiétante.
Le film s'inspire ouvertement du "Silence des Agneaux" et de "Seven" pour l'ambiance et le scénario et ce n'est absolument pas gênant, car Perkins oriente ensuite son film vers le fantastique. Et le film se démarque aussi par son "méchant" grand-guignolesque et plus cauchemardesque que John Doe et Lecter. Ce qui compte, c'est qu'il fasse très peur et Longlegs remplit haut la main sa mission.
Certains sont déçus par le scénario parce qu'il bifurque vers le fantastique ou n'aboutit à rien. Perso, j'ai aimé cette histoire jusqu'au bout, même cette idée délirante des
poupées personnalisées "téléguidées" par sphère intracrânienne interposée pour pousser des familles à se massacrer.
Osgood Perkins a un sens esthétique indéniable et sait créer une atmosphère prenante et dérangeante. C'est assurément un cinéaste à suivre.