Le centre du monde se place là où on se trouve. Dès lors, la connaissance nous arrive au gré des images reçues, par juxtapositions. C'est ainsi que de jeunes graffeurs colombiens peuvent être marqués par la révolution égyptienne et décider de l'évoquer en dessins.


Tous les niveaux de perception et de connaissance se retrouvent dans Los hongos. De la chronique d'une jeunesse curieuse à l'évocation des contextes politiques et religieux de la Colombie, de la peinture de la ville de Cali aux dialogues inter-générationnels, le film d'Oscar Ruiz Navia fourmille et regarde avec une générosité rare.


C'est une chronique du temps qui passe et qui avance, un récit d'apprentissage qui s'inspire du réel pour mieux imaginer, un cheminement doux et foisonnant qui prend autant le temps d'écouter ses personnages que de filmer la ville, la nature, se jouant à loisir des perceptions.


Le brassage est continuel. Au cœur du film, Ras et Calvin, chacun porté par sa propre histoire, passent du cadre familial aux réunions de graffeurs, fêtes branchées, flirt pour l'un, expérience du travail pour l'autre, chacun relié à la grand-mère de Calvin (avec laquelle ce dernier habite et dont il s'occupe), ancienne institutrice vivant dans une incroyable maison envahie de plantes et de cris d'oiseaux, comme une jungle.


L'image est superbe. Travaillant les contrastes (les fêtes bigarrées, les ruptures entre le béton brut et la vaisselle colorée de la maison de Ras, les couleurs des vêtements et des peaux, les rues de Cali, la campagne environnante), elle illumine les parcours de Calvin et Ras. Ils sont la jeunesse et le monde en devenir, les champignons du titre, nés dans la décomposition mais en constant mouvement.


Moderne, riche et généreux, ambitieux et humble, porté par la justesse de comédiens non professionnels dont le scénario s'est nourri, Los hongos s'achève sur un final merveilleux, profondément beau, d'une simplicité bouleversante.

pierreAfeu
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le 20 mai 2015

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